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c’est le jeune mantrie qui s’acquitte de toutes les missions qui nécessitent un déplacement : il parcourt constamment le pays à cheval, et voilà pourquoi, le jour de sa nomination, il reçoit un poney javanais et un kriss : le gouvernement économise ainsi les frais d’entretien de ces nombreux péons ou messagers dont s’en- tourent, ailleurs, les fonctionnaires européens ou indigènes.

Un des moyens les plus habiles par lesquels les Hollandais savent tempérer leur domination, c’est l’emploi de la langue indigène dans toutes les relations entre Européens et indigènes. Dans la plupart des colonies fondées par de grandes nations, de nos jours comme dans l’antiquité, on a vu le conquérant imposer sa langue au vaincu. Le Hollandais, peuple patient et obstiné, trouve de meilleure politique d’apprendre la langue des populations qu’il gouverne, et il pratique ce système non seulement à Java, mais dans toute l’étendue de son empire colonial. A Java, le problème se complique de la présence des quatre races qui se partagent l’île et qui parlent chacune leur langue propre : Malais, Soundanais, Javanais et Madouriens. J’ai vu, à Djokjokarta, un résident qui ne possédait aucune autre langue européenne que le hollandais, mais qui possédait à fond les quatre langues indigènes dont l’une, le javanais, forme trois dialectes distincts suivant le rang de la personne à laquelle on s’adresse : qu’on juge de la complication !

Pour donner aux indigènes l’illusion de l’autonomie, les Hollandais ne se contentent pas de leur laisser leurs régens, leurs wedonos, leurs chefs de village, ils leur laissent même leur empereur. Le territoire des Vorstenlanden (pays des princes), cette province centrale qui occupe la quinzième partie de l’étendue de Java, forme, en effet, un petit empire, dernier débris du royaume de Mataram. Les Vorstenlanden sont partagées entre deux princes, le sœsœhœnan et le sultan ; le sœsœhœnan réside à Solo ou Sourakarta, et le sultan à Djokjokarta. Ces deux capitales sont encore les centres de la vie javanaise, et c’est là qu’on peut le mieux se faire une idée de ce que dut être Java dans le passé. Autrefois les Vorstenlanden ne formaient qu’une seule province, soumise au seul sœsœhœnan ; mais au siècle dernier, l’empereur Hamangkœ, désespérant de maîtriser une insurrection chinoise, appela les Hollandais à son aide, et en retour leur concéda des terres. A peine délivré des Chinois, il eut à compter avec les prétentions de son frère, qui revendiquait le droit de partager le trône. Hamangkœ,