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redevables envers le gouvernement, leur nouveau souverain, du payement de l’impôt foncier, Landrente, sous la forme d’une quote-part de leurs récoltes, qu’on pouvait estimer aux deux cinquièmes environ. Ur, Van den Bosch imagina cette innovation que l’indigène, au lieu de payer cet impôt des deux cinquièmes, abandonnerait une partie de sa terre, limitée à un cinquième, et que les services personnels dont il était redevable envers l’État seraient appliqués à la culture des produits utilisables sur le marché européen, tels que l’indigo, le tabac, le sucre, le thé, le café, etc. Et si la valeur de ces produits venait à excéder le montant de l’impôt foncier, cet excédent devait être remboursé à l’indigène. La sollicitude pour les intérêts de l’indigène était même poussée au point que, si la récolte venait à manquer, par suite de force majeure, le dommage serait à la charge du gouvernement.

Dans la pensée de son auteur, l’innovation devait avoir le double avantage d’enrichir la mère patrie et de stimuler les Javanais au travail, en les y intéressant par la suppression d’un impôt d’un caractère oppressif. En principe, l’indigène était libre de s’affranchir de cet impôt par l’abandon d’une portion de sa terre, et comme les relations entre lui et le gouvernement devaient se régler par des conventions, le système reposait, en apparence, sur le libre consentement des parties. Mais il était facile de prévoir que cette organisation aboutirait inévitablement au travail forcé.

C’est une erreur économique d’ériger l’Etat en agent d’industrie, de l’exposer aux chances de gain et de perte. Poussé par le besoin de réaliser de gros et rapides bénéfices, le gouvernement inaugura bientôt des mesures coercitives. Au lieu de contrats volontaires, ce furent des ordres. Si l’indigène était exempté de l’impôt foncier, en revanche, on ne lui payait qu’un insuffisant salaire, et on ne lui remboursait pas l’excédent de la récolte ; on exigeait de lui non plus un cinquième de sa terre, mais un tiers ou davantage encore, parfois même la totalité, suivant les besoins du Trésor. Les écrivains hollandais Veth[1] et van der Lith[2] ont exposé en détail ces abus. Dès 1832, il n’était déjà plus question de contrats volontaires, puisqu’une (circulaire du gouverneur général imposait à chaque province la livraison des produits en proportion de la population et à raison de deux florins par

  1. Java.
  2. Nederlansche Oost-Indié.