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un excédent considérable sur les dépenses ; mais, en 1824, se produisit pour la première fois un déficit qui alla sans cesse s’accentuant chaque année. Depuis le retour des Hollandais jusqu’en 1833, le total de l’excédent des dépenses sur les revenus s’éleva, suivant les statistiques que j’ai sous les yeux, à près de 38 millions de florins. Ce déficit, comblé par la Hollande, forma la dette de Java, qui en huit années atteignit le chiffre du revenu d’une année et demie. C’était, pour Java, une dette lourde et épuisante, comme toute dette extérieure dont les intérêts doivent sortir du pays, de telle façon qu’il s’opère un désastreux drainage d’argent. Aussi la population vivait-elle dans un grand dénuement, opprimée par les chefs indigènes ; et le joyau de l’archipel indien était devenu une charge pour la métropole. À cette époque, Java était à peu près dans la même situation désespérée que l’Inde continentale en 1856. D’autre part, les finances de la métropole elle-même étaient compromises, à la suite de la révolution belge, qui avait creusé une brèche profonde dans les caisses publiques. La guerre avait englouti des millions, et la Hollande épuisée ne pouvait, pour se relever de sa détresse, que se tourner vers une colonie appauvrie.

C’est à cette époque critique qu’on vit surgir l’autre homme providentiel dont le nom est lié, comme celui de Daendels, à l’histoire de Java. Le général Van den Bosch s’érigea en sauveur, exposa son système infaillible, et prophétisa qu’il ferait de Java un nouveau Pactole. Il partit pour les Indes en 1830, muni de pleins pouvoirs, et entièrement libre dans le choix des moyens qui pouvaient tendre à remplir le Trésor. Il avait édifié ses plans sur cette idée, que les Javanais, aussi longtemps qu’ils seraient laissés à eux-mêmes, ne s’adonneraient jamais à la culture des produits destinés au marché européen ; mais, à la différence de son prédécesseur, le commissaire général du Bus de Gisignies, qui ne comptait que sur le travail libre et l’initiative privée, Van den Bosch voulait le monopole exclusif de l’Etat ; à ses yeux, l’État était un entrepreneur, un industriel, en face duquel aucune concurrence privée ne pouvait s’ériger en rivale. Il se fondait sur l’adat, c’est-à-dire, l’ensemble des vieilles institutions des Javanais, qui imposaient aux indigènes des obligations envers le souverain, et qui conféraient à celui-ci le droit d’exiger à titre d’impôt soit une certaine part du produit de la terre, soit des services personnels équivalens. Les indigènes étaient donc