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arbitre. Et le descendant de Louis XIV écrivit secrètement à Pie VI pour demander quel était dans cette affaire d’Église son devoir de roi. « Vous avez, répondit le pape, fait de grands sacrifices au bien de votre peuple ; mais s’il vous appartenait de renoncer dans ce dessein à des droits jusque-là attachés à la prérogative royale, il ne vous appartient pas de renoncer à rien de ce qui est dû à Dieu. » Mais pour fortifier le chrétien couronné dans sa résistance à la Constitution civile. Pie VI a conseillé à Louis XVI de consulter deux archevêques alors ministres du roi, « l’un défenseur constant de la religion contre les attaques de l’incrédulité, l’autre versé dans les matières de dogme et de discipline[1]. » De Pompignan, archevêque de Vienne, et de Cicé, archevêque de Bordeaux, sont en effet doctes et vertueux, mais hommes de cour : courageux s’il s’agissait de leur propre danger, ils n’osent considérer de sang-froid le péril du prince. Le dogme de la pérennité royale, que l’Église de France s’était laissé enseigner par les légistes, trouble leur théologie. Leur foi monarchique, aux yeux de laquelle le souverain était investi par Dieu même d’un sacerdoce, ne permet pas à leur foi catholique d’imposer à ce souverain des obligations qui troubleraient le plan divin, si elles mettaient en risque la couronne du prince : ils considèrent qu’en ces occasions lui seul a compétence pour plaider sa cause au tribunal royal de sa conscience, qu’il doit à Dieu seul compte de ce qu’il avait résolu, et que tous les actes, accomplis par lui pour sauver ce pouvoir nécessaire, deviennent légitimes. L’avis qu’ils lui donnent est de céder. Au moment où Louis XVI tente d’appuyer son courage pris de vertige à la solidité de la croix, cette croix gallicane a perdu la vigueur du bois sacré, c’est elle qui faiblit sous le poids de la misère royale.

Si le consentement donné par Louis XVI à la Constitution civile eût, selon la coutume gallicane, fermé le débat et obligé l’Église, c’en était fait. Or, quelle chance y avait-il que les évêques français, semblables par l’origine, les traditions, les doctrines, aux deux archevêques, ne suivraient pas les mêmes traces et élèveraient la voix après le prince et contre le prince ? L’invraisemblable pourtant fut le vrai. Sur 135, 110 publièrent un « Exposé de principes » où ils déclaraient impossible de consentir les changemens apportés à la discipline de l’Église. Pour la première fois depuis des siècles,

  1. Lettre de Pie VI à Louis XVI. 10 juillet 1790.