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l’épiscopat français osait condamner une loi de l’État. Il l’osa précisément parce que la révolution avait changé la nature et amoindri la majesté du pouvoir. Quand un Louis XIV disait : « Je veux », sa condition presque surhumaine légitimait presque la servilité : quand Louis XVI disait : « Je veux », cela signifiait : « J’obéis », et le dernier paysan de France voyait bien que le roi avait des maîtres. Cet abaissement de la royauté rendit l’épiscopat à lui-même, il ne voulut pas être le captif d’un captif, et par cette révolte contre la tradition gallicane, il se délivra.

S’il y avait à admirer que les évêques se fussent séparés du roi, il y avait à craindre que les curés se séparassent des évêques. Malgré les liens communs du sacerdoce, ils se sentaient les uns nobles et les autres peuple. Les ennemis de l’Église espéraient que la Constitution civile changerait ces divergences en rupture. Sous leur influence, l’Assemblée nationale, après avoir décrété que tout ecclésiastique devait le serment à la Constitution civile, ordonna que les députés ecclésiastiques le prêteraient les premiers et devant elle. Les représentans du clergé inférieur devaient être favorables à une réforme qui, en remettant au suffrage universel la distribution des charges ecclésiastiques, semblait restaurer une antique tradition de l’Église ; elle ouvrait à ceux qui n’étaient pas parvenus à l’oubli d’eux-mêmes la carrière des dignités : ils n’avaient pour atteindre à toutes qu’à ne pas perdre une popularité déjà faite, et ils la porteraient au comble pour peu que, décidés par tant d’intérêts à voir dans la résistance des évêques une tentative de contre-révolution, ils se levassent une fois de plus contre ces grands seigneurs. À prévoir le jeu des passions humaines, on avait droit de penser que ces passions fortifieraient dans ces prêtres la tradition gallicane, au moment où elle était abandonnée par l’épiscopat, qu’ils jureraient sans scrupules une loi portée par le prince, et que leur exemple serait suivi dans toute la France par le bas clergé.

Mais en eux aussi, en eux surtout, la révolution avait brisé L’idolâtrie de la royauté. Eux ne tenaient pas, comme le haut clergé, la destruction du pouvoir absolu pour un fait et pour un malheur, mais pour un progrès nécessaire et définitif ; eux ne rêvaient pas, comme leurs pères, la souveraineté sur ces hauteurs inaccessibles où l’on ne distinguait plus si elle était du ciel ou de la terre ; ils l’avaient abaissée à leur niveau, mise sous leur main, partagée. Mandataires du peuple, constituans, non plus seulement