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affaiblie, démantelée, a soutenu sans se rendre ces assauts. Moins riche d’hommes, moins soutenue par l’opinion, moins maîtresse des événemens et d’elle-même qu’elle ne fut jamais, elle a affronté des périls oubliés depuis les premiers siècles. Un maître comme nul siècle n’en a vu a poursuivi contre le chef de l’Église une lutte qui ne semblait pas livrée entre deux hommes, puisqu’elle n’a mis ni dans le cœur de l’un une goutte de fiel, ni dans le cœur de l’autre une goutte de pitié ; il a éprouvé l’un après l’autre tous les corps de cette Église ; dans tous, par tous les moyens limités et illimités, il a cherché des complices ; pas plus que du Pape il n’a été maître des cardinaux, des évêques, des simples prêtres. Le lourd marteau a forgé ce qu’il croyait écraser. La minorité des chrétiens qui étaient dévoués à l’Église, par une foi intérieure et profonde, sont devenus plus chrétiens par l’épreuve : ils se sont rangés autour de la hiérarchie catholique, celle-ci a resserré ses liens. La force qui a charge de garder la doctrine et de la propager demeure intacte, instrument de conquêtes futures. Cette constance a inspiré aux indifférens mêmes l’estime, première victoire sur leur indifférence, et un respect qu’à la fin de l’ancien régime, la religion, malgré les faveurs de l’État, avait perdu. L’Église a eu à défendre son existence contre la Terreur, et elle a vaincu : sa liberté contre un Napoléon, et elle a vaincu. Ces vingt-cinq années sont la preuve éclatante que le pouvoir politique a perdu son autorité sur les consciences et que la vie religieuse ne dépend plus d’un accord avec les gouvernemens.


ETIENNE LAMY