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On conçoit aisément la situation dans laquelle se trouvent les médecins ; ne pouvant plus vivre honorablement, les meilleurs abandonnent ces villes, au détriment des malades eux-mêmes.

L’organisation des services hospitaliers nuit aussi beaucoup aux médecins des villes. Par exemple : il y a chaque année, dans Paris, environ 70 000 accouchemens ; sur ce nombre, il n’y en a pas moins de 36 000 qui sont faits dans les hôpitaux.

Je ne veux pas dire que l’on ait tort d’assainir les hôpitaux, de créer des maternités, de donner aux malades tout le bien-être désirable : le principe est excellent ; mais ce contre quoi je m’élève, c’est la présence, dans les services hospitaliers, de malades, soignés gratuitement, qui prennent une part du patrimoine des pauvres, alors que ceux-ci ne peuvent trouver de place dans les services créés pour eux.

Grâce à l’hygiène ou à de nouveaux traitemens, le nombre des maladies et des malades tend à décroître : ainsi, la variole ne se rencontre plus à Paris que très exceptionnellement ; la fièvre typhoïde, depuis que l’on surveille l’eau que l’on consomme, qu’on la filtre ou la fait bouillir, est en décroissance ; la diphtérie, depuis l’organisation du service de désinfection et depuis la sérothérapie, a diminué dans des proportions considérables, et bientôt, nous l’espérons, la tuberculose pourra à son tour être enrayée.

En même temps que diminue le nombre des malades, le nombre des médecins s’accroît sans cesse. Il y a vingt ans, on comptait 10 000 docteurs en France ; actuellement, on en compte 14 000, et, vu le nombre des étudians en médecine, en cours d’études, inscrits dans les diverses Facultés (depuis 1887, leur nombre a doublé), on peut prévoir que, dans dix ans, le nombre des médecins, en France, dépassera 20 000.

Le corps médical se trouve donc dans une situation fâcheuse, et il faut avouer que quelques rares médecins ont cédé aux inspirations de la malesuada fames.

Quelques-uns ont conclu des ententes particulières avec des pharmaciens, d’autres avec des confrères avec lesquels, appelés en consultation, ils partageaient les honoraires. Ces faits ne sont pas ignorés du public, et le malade se demande parfois si le médecin, qui lui conseille d’aller voir tel chirurgien, n’a pas intérêt à lui donner cette indication ; si le chirurgien, qui lui conseille de se