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et de jeunes fleurs, tel que le tableau de Mme Farnsworth exposé jadis sous ce titre : Quand le printemps arrive souriant dans le vallon et sur la colline...

Ce sujet, ils le veulent nettement déterminé, congruent en toutes ses parties et, pour ainsi dire, organique. Comme ils pourront bien retrancher l’inutile dans ce que leur fournit la nature, mais non pas y ajouter le nécessaire, il faut que cette nature soit plutôt trop riche en intérêt que trop pauvre. D’ailleurs, si ce sujet riche est touffu, ils marquent leur intervention d’artistes en le simplifiant. M. Puyo parle de l’ « unité du motif », et se courrouce contre « les détails qui sollicitent le regard en dehors du centre d’intérêt. » Il traite de « l’équilibre des lignes », des « rappels nécessaires. » On croirait entendre un pur classique de l’école de Winckelmann. L’étude prolongée, non des livres, mais de la nature, ramène ces photographes aux lois générales qui régirent jadis l’école, et non point parce que ce sont des règles, mais simplement parce que ce sont des nécessités, « Ces lois de la composition, disent-ils, n’ont rien d’arbitraire ; quand nous songeons aux conditions que doit remplir toute œuvre d’art et que nous apparaissent aussitôt les idées d’unité, d’ordonnance, de subordination, n’est-ce pas le rationalisme grec et notre conception unitaire du monde qui nous imposent ces lois générales ? Pareillement, l’idée d’équilibre, qui la fait naître, sinon le sentiment intime que tout obéit à la loi de la gravitation ? D’où l’emploi général, dans la composition, de la forme triangulaire, le triangle étant de toutes les figures celle dont le centre de gravité est le plus bas. Enfin, les règles qui président à l’harmonie des tons et à leurs liaisons et imposent l’usage des rappels, découlent de l’idée de relation et de l’impuissance des organes à juger autrement que par comparaisons successives. »

Ainsi, tout doucement, tout silencieusement, ces hommes armés d’une machine conspirent pour l’idéal classique des anciens jours. Ils n’ont point fait de hardis manifestes, ni proclamé la déchéance d’aucun art. Leur affiche représentait seulement une femme laissant tomber de pâles fleurs de tournesols. « Nous ne réclamons nullement le titre d’artistes, disaient-ils en 1896 ; le public, habitué aux choses d’art, saura bien nous le décerner de lui-même, s’il trouve que nous sommes arrivés à le mériter. » Dans leurs longues et laborieuses contemplations en face de la nature, ils n’ont pas rêvé les grandes jouissances de la gloire. Ils n’ont pas