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lui a dit qu’on cherchait dans la maison une fabrique clandestine d’allumettes. Combien cela est puéril et fâcheux ! L’attitude du gouvernement a été jusqu’ici tout à fait correcte ; les allures du commissaire enquêteur ont été plus fantaisistes. M. le général de Pellieux fera bien de les modifier. Dans une affaire aussi grave, il convient d’agir avec une parfaite rectitude. Les petites ruses n’y sont pas de mise. Tout se passe devant la nation attentive, et par conséquent on ne saurait y apporter trop de simplicité et de gravité. Puisse une lumière éclatante sortir des investigations actuelles ! Finissons-en une fois pour toutes avec cette affaire ! Les gens bien informés avaient jusqu’à ce jour le pressentiment qu’elle n’était pas terminée. Nous voudrions n’avoir plus à en parler, sinon pour dire : — Voilà enfin la vérité ; nul ne saurait s’y méprendre ! — Si le jugement du conseil de guerre est confirmé, qu’il le soit dans des conditions propres à éclairer toutes les consciences. S’il ne l’est pas, qu’on découvre le vrai coupable, et qu’il ne puisse plus y avoir d’incertitude sur son crime. Et cela n’est pas impossible, pourvu qu’on se dégage de toutes les préoccupations étrangères à la cause, qu’on cherche la vérité pour elle-même, et qu’on la poursuive en dehors de toutes les manifestations inutiles qui entretiennent l’opinion dans un continuel état de fièvre et l’égarent sur des pistes trompeuses. Il faut que le mot qui va être prononcé soit sans appel, qu’il soit évidemment le dernier.

Pendant que l’opinion, chez nous, s’émeut peut-être à l’excès pour la question Dreyfus-Walsin-Esterhazy, les autres puissances continuent de s’appliquer à leurs affaires. Un certain nombre d’incidens, dont quelques-uns ne sont pas sans importance, se sont passés en Europe, et en Asie. En Extrême-Orient en particulier, l’Allemagne est intervenue de la manière la plus inattendue et la plus brusque sur le territoire du Céleste-Empire. Elle avait à se plaindre de sévices exercés sur des missionnaires, dont deux avaient été mis à mort. Heureusement pour ses commodités, le fait s’était produit non loin des côtes : mais, s’il s’était produit plus avant dans les terres, les conséquences en auraient peut-être été exactement les mêmes. Un navire allemand a débarqué dans la baie de Kiao-Tchéou des troupes qui se sont emparées sans coup férir du fort qui la domine. Il a suffi pour cela d’une sommation, à laquelle le commandant chinois s’est empressé d’obéir. Que fera maintenant l’Allemagne ? Pensera-t-elle, comme le disait autrefois M. de Bismarck dans son langage dénué de circonlocutions oiseuses, que ce qui est bon à prendre est bon à garder ? Un