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UN OFFICIER
DE
L’ANCIENNE FRANCE

La vie que nous allons raconter n’offre aucun événement capital. Beaucoup d’officiers de l’ancien régime ont dû avoir une vie pareille. Pour que celle-ci fût tirée de l’oubli, il a fallu deux hasards assez extraordinaires l’un et l’autre. Il a fallu d’abord qu’étant à l’étranger, la chance de son billet de logement conduisît ce militaire dans la maison où grandissait, enfant espiègle et observateur, le futur poète de l’Allemagne, Wolfgang Gœthe. Retraçant les souvenirs de son enfance, celui-ci a dessiné de notre compatriote un portrait curieux et vivant qui rendit son nom populaire en Allemagne, tandis qu’il restait ignoré chez nous. Il a fallu ensuite qu’en ces dernières années un admirateur de Gœthe découvrît par aventure la demeure où résidaient les derniers descendans de l’officier français et obtînt communication de ses notes et papiers. Sans ce double coup de fortune, assurément impossible à prévoir, nous ne saurions rien de celui que je vais essayer de faire connaître.

Mais c’est précisément ce qu’il y a de fortuit dans cette histoire qui en fait l’intérêt. Nous avons ici un exemplaire de notre armée d’autrefois qui n’a pas été choisi à dessein et de propos prémédité. Celui qui, contre son attente, et comme par le plus imprévu des sondages, est ramené au jour, croyait, au contraire, et était convaincu que l’obscurité était son partage naturel et légitime. Nous sommes donc, jusqu’à un certain point, autorisés à raisonner sur cet échantillon et à en tirer des conclusions. On verra qu’elles n’auront rien de défavorable.