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du siège avec une activité infatigable et persévérante. Il fut de ceux qui, ne voulant jamais cesser d’espérer et n’étant jamais las de souffrir, conseillèrent à la vaillante cité de pousser l’énergie de la défense jusqu’à l’épuisement de sa chaleur vitale.

Ce fut alors seulement, quand les armes furent tombées des mains des combattans, que l’étude reprit possession de lui, et depuis lors, il n’a plus cessé de lui appartenir tout entier. Les vingt années qui lui furent encore réservées et que traversèrent de douloureuses épreuves domestiques, furent employées à porter à un point de perfection et d’achèvement son Histoire de la Grèce et celle des Romains, ces deux grandes œuvres auxquelles son nom reste attaché et que l’estime générale a placées dans un rang dont rien ne les fera descendre. Elles resteront comme des modèles de l’art d’appliquer à des tableaux historiques d’une grande étendue les recherches consciencieuses et le soin des moindres détails qu’exige l’érudition moderne. Si, dans l’appréciation de ces rares mérites, à des témoignages d’une juste admiration, j’ose mêler quelques observations critiques, comme ces réserves portent sur des points dont j’ai eu l’occasion d’entretenir M. Duruy lui-même avec une liberté qui ne l’a pas offensé, l’Académie ne voudra pas être plus sévère que lui, et me permettra d’exprimer ma pensée avec la même franchise que s’il était encore là pour m’entendre.


III

Le caractère le plus remarquable du vaste travail dans lequel M. Duruy a embrassé à peu près toutes les annales du monde ancien, c’est qu’on y trouve réunies, à un degré à peu près égal, les qualités de l’historien et celles de l’érudit. On sait que ce sont là deux professions et deux habitudes d’esprit qui, à une époque encore assez récente, bien que faites pour se venir en aide, vivaient pourtant d’ordinaire et travaillaient chacune de son côté et pour son compte. La tâche de l’érudition était d’établir la certitude des faits passés, en réunissant les témoignages dont elle discutait l’authenticité. L’histoire les prenait alors avec confiance de sa main en se chargeant seulement de les présenter avec art, par une narration intéressante, éloquente même à l’occasion, et d’en faire ressortir la suite et l’enchaînement.

Mais de nos jours, pas plus érudition qu’histoire ne s’accommodent de ce partage de rôles. Il y a plus d’un érudit qui, joignant