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guerre, conclut les traités de paix, d’alliance, nomme à tous les emplois, édicté les règlemens et décrets nécessaires à l’exécution des lois ; la justice se rend en son nom ; il a seul l’initiative des lois, le droit de grâce ; il convoque, ajourne et dissout le Corps législatif. Tous les ans, il présente, par un message, l’état des affaires de la République. Il peut, par un acte secret et déposé aux archives du Sénat, désigner le nom du citoyen qu’il recommande, dans l’intérêt de la France, à la confiance du peuple et à ses suffrages.

Les constitutions révolutionnaires n’avaient pas établi deux Chambres participant à peu près dans la même mesure à l’exercice du pouvoir législatif : ou l’Assemblée des représentans avait été unique, ou la seconde Chambre avait reçu des attributions distinctes. Le Prince suivit ce précédent ; il ne conçut pas le Sénat comme une doublure du Corps législatif ; il le modela à peu près sur le Conseil des Anciens du Directoire et sur le Sénat de son oncle.

Le Corps législatif discute et vote les projets de loi et l’impôt. Aucune restriction ne limite son vote. Ses séances sont publiques, mais, pour éviter les amendemens introduits à l’improviste dans une discussion et qui bouleversent à l’étourdie l’économie d’une loi mûrement préparée, aucun amendement ne peut être adopté sans l’approbation du Conseil d’Etat. On coupe court aux comptes rendus fantaisistes, frauduleux ou partiaux des journaux : le compte rendu ne consistera que dans la reproduction du procès-verbal dressé à l’issue de chaque séance par le président.

Le Sénat ne soumet pas les lois à une nouvelle discussion ; il examine seulement si elles portent atteinte à la constitution, à la religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle, à l’égalité des citoyens devant la loi, à l’inviolabilité de la propriété, au principe de l’inamovibilité de la magistrature ou si elles compromettent la défense du territoire. Dans ces cas, il s’oppose à leur promulgation.

Ainsi le Sénat est constitué le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. Comme gardien du pacte fondamental, il règle tout ce qui n’a pas été prévu par la constitution et ce qui est nécessaire à sa marche ; il fixe le sens des articles qui ont donné lieu à controverses ; il propose les modifications constitutionnelles. Comme gardien des libertés publiques, il annule tous les actes inconstitutionnels qui lui sont déférés par le