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silésiennes. Il aurait tout aussi bien pu se faire présenter les comptes des usines berlinoises de la Société générale d’électricité ; il aurait vu quels salaires élevés y sont payés aux ouvriers ; s’il avait visité ces établissemens, il aurait été surpris de l’air de santé et de force de la plupart des travailleurs, confortablement installés, — le mot n’est pas exagéré, — dans de vastes halles, fraîches en été, bien chauffées en hiver, où rien n’a été épargné pour placer chacun dans les meilleures conditions et le mettre en mesure de donner l’effet utile maximum de son travail. Une fois de plus se vérifie l’exactitude de l’adage américain : « les salaires les plus élevés fournissent le travail le meilleur marché ». Nous n’avons garde cependant de généraliser au point de prétendre que tous les établissemens industriels d’Allemagne offrent le même spectacle riant. Mais nous sommes certains que, parallèlement au progrès matériel, c’est-à-dire à la multiplication et à l’extension prodigieuse des usines et fabriques, s’est poursuivie une amélioration constante du sort de l’ouvrier. En cinq ans, l’ensemble des salaires payés s’est élevé de 2 milliards 65 à 3 milliards 37, soit de plus de 25 pour 100.

Ce n’est pas ici le lieu de discuter la législation ouvrière inaugurée en Allemagne en 1884, qui a fait et fera encore l’objet de discussions passionnées dans le pays lui-même et au dehors. Quelle que soit la fermeté de nos convictions économiques, quelque foi que nous ayons dans la toute-puissance de la liberté humaine respectée partout et toujours, nous devons à la vérité de reconnaître que certaines des mesures auxquelles nous faisons allusion paraissent avoir recueilli l’approbation des intéressés. Nous pensons en ce moment à la loi de 1884 sur l’assurance ouvrière, qui a constitué chaque branche d’industrie en corporation (Genossenschaft) dans le dessein spécial d’organiser l’assurance contre les accidens, d’en répartir les risques entre tous les établissemens similaires, proportionnellement au nombre de bras qu’ils emploient, et d’instituer, par l’intermédiaire même de la corporation syndiquée, une surveillance constante et sévère sur l’organisation et la marche des ateliers.

D’après les déclarations qui nous ont été faites par nombre d’industriels, non seulement cette organisation a rendu et rend tous les jours des services en permettant de secourir les travailleurs blessés ou malades (et il faut ajouter en passant que des abus s’introduisent parfois à la faveur de cette législation) ;