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et les Ptolémées. Comme les Blancs, le nègre est perfectible ; à nous de le faire évoluer.

N’en jugeons pas par ceux que l’esclavage a dégradés chez les Blancs ou que ceux-ci, en Afrique, ont perdus par l’alcool. Ils ont du cœur d’abord : une tendresse profonde pour la mère, de la reconnaissance, de la tolérance, jusque chez leurs Musulmans, de la bonté, oui, malgré le Dahomey et les Achantis, comme chez nous, malgré nos révolutions politiques et religieuses. — Ils ne sont pas plus « menteurs » que nous, et quant à leur paresse, M. Binger a vu des noirs travailler jusqu’à seize heures par jour aux champs ; chez Tiéba, on labourait à cinquante centimètres de profondeur. Il ne semble pas que le climat les ait aussi amollis qu’il l’a fait pour les créoles européens. Facilitez au noir la vente de son travail, il s’y donne ; l’établissement du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis l’a prouvé. Paysan, forgeron, tisserand, teinturier, le Soudanais semble un bon travailleur par son endurance, sa force, son habileté, son esprit peu routinier. Il a déjà beaucoup gagné ; notre exemple, nos achats feront le reste. Beaucoup voudront encore vivre sans rien faire du travail de leurs femmes, comme nos rentiers de celui de leur beau-père ; la race entière n’en est pas déshonorée. Le Soudanais comprend enfin le commerce, témoin les Dioulas de Kong, les grands traitans de la côte. Le désir du gain, l’activité, le respect de l’autorité font bien augurer de la société soudanaise. Ajoutez à cela d’admirables vertus militaires, depuis le courage impétueux jusqu’à la résignation dans le besoin et au sang-froid, comme on le voit de plus en plus dans nos vieilles troupes sénégalaises. Arrêtez les Samory, sous le règne desquels les peuples fondent comme en Irlande ; surveillez les blancs qui vendent alcool et armes, débauchent les noirs et les volent parfois dans leurs transactions. À ces pays ravagés, dépeuplés, tyrannisés, donnez la paix, la justice ; commercez honnêtement, enseignez la culture, l’industrie, et, dans cinquante ans, le plus grand nombre des Soudanais sera sans doute au niveau de beaucoup de paysans et d’ouvriers européens.

Pour exploiter ce pays, il faut des routes. Le Soudan compte beaucoup de cours d’eau ; aucun n’est navigable sur la plus grande partie, nous l’avons vu. On fera donc des chemins de fer. La France, il y a dix ans, commençait le sien entre Kayes sur le Sénégal et Bammako sur le Niger. On en sait la lamentable