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qui le type grec semble s’être le mieux conservé, sont dolichocéphales, bruns dans le nord, mais en majorité blonds dans le sud, c’est-à-dire dans la partie la plus grecque. Comme, d’ailleurs, les conquérans à crâne allongé semblent avoir traîné partout avec eux des brachycéphales bruns ou celto-slaves (la troisième des races qui ont peuplé l’Europe), il est probable qu’une certaine quantité de ces derniers a dû se trouver même dans la Grèce antique, comme elle se trouve dans tout le reste de l’Europe. L’examen des crânes et des statues n’en prouve pas moins que la masse de la nation grecque avait la tête ovale.

Le caractère des anciens Grecs s’accorde, comme nous le verrons, avec ce qu’a dû produire le mélange des deux races méditerranéenne et galate : on sait que ce sont les plus intelligentes de toutes, comme en témoigne l’histoire des divers peuples où elles se sont montrées. Le vieux sang pélasgique ou ibéro-berbère, un peu rude et dur, plus sauvage et plus concentré, n’expliquerait pas, à lui seul, cette vivacité légère, cette volonté mobile, aventureuse et expansive, qu’on rencontre chez les Grecs. On reconnaît chez eux un élément ethnique qui rappelle chez nous l’élément gaulois, avec cette différence que, dans les temps anciens, l’élément celto-slave, important en Gaule, était minime en Grèce. De là, un mélange particulièrement rare des deux races les plus intelligentes et les plus entreprenantes. De plus, ce mélange a trouvé pour théâtre un pays particulièrement propre à son développement.

La Grèce, en effet, n’est qu’une seule et même montagne à sommets multiples, émergeant des eaux, y étendant de tous côtés ses bras, y enserrant des golfes sans nombre. Dans ce massif montagneux, les diverses vallées ou les rares et petites plaines forment comme autant de compartimens ouverts du côté de la mer, mais à peu près fermés du côté de la terre et séparés les uns des autres par des cloisons difficiles à franchir. C’est une Suisse plongée dans l’eau et dont les cantons, isolés par les voies terrestres, peuvent tous communiquer entre eux par voie maritime. Aucun pays du monde n’offre, proportionnellement à sa superficie, un aussi grand développement de côtes ; dans la seule Grèce continentale, elles mesurent déjà plus de 2 000 kilomètres. Aussi Strabon appelait-il les Grecs un peuple amphibie. Le résultat de cette configuration est double. Par rapport aux étrangers qui eussent pu l’envahir, la Grèce était jadis presque inabordable. L’autre conséquence fut la vie maritime incessante, l’incessante rencontre