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n’y comptait pas, il savait bien que ces sentimens s’exprimeraient surtout par des leçons sous forme d’articles de journaux. Articles de journaux ou discours, c’est un peu la même chose, et les discours ne nous ont pas plus manqué que les articles. Ils se sont multipliés avec une telle abondance que sir Edmund Monson les a comparés à une pluie d’étoiles filantes. Il y a, paraît-il, des saisons pour cela en Angleterre. C’est surtout pendant les vacances du Parlement que les hommes politiques éprouvent le besoin d’apporter des explications à leurs électeurs ; et de quoi pourraient-ils parler, sinon de la question du jour ? Ils en parlent donc, et sir Edmund nous avertit charitablement qu’il ne faut pas attacher alors beaucoup d’importance à leurs paroles. On voit que, s’il ne nous a pas ménagés, il n’a pas été moins caustique envers ses compatriotes, fussent-ils ministres. Il a dit son fait à tout le monde avec une égale impartialité : c’est peut-être pour cela que tout le monde lui a dit le sien. Il n’a pas eu, suivant l’expression consacrée, une bonne presse, même chez lui. Sans doute, certains journaux l’ont approuvé, mais d’autres l’ont blâmé, et, puisqu’il a parlé de la parfaite unanimité qui existe aujourd’hui dans l’opinion britannique, il est permis de constater qu’elle s’arrête à son discours. Beaucoup des plus fermes partisans de la porte ouverte ont avoué que ce principe, quelque sacré qu’il soit, ne devait pas s’appliquer à l’importation en pays étranger de certains produits oratoires essentiellement faits pour être consommés sur place. C’est ce dont sir Edmund ne s’était pas rendu compte. Il a cru trouver un encouragement et une excuse dans les libertés de langage que s’étaient permises des « personnages haut placés, » sans se souvenir qu’il venait lui-même d’en faire justice, et non sans ironie. Non content de s’appuyer sur l’exemple dangereux des ministres anglais, sir Edmund, qui sentait confusément le besoin de s’entourer du plus grand nombre d’autorités possible, a fait également allusion aux procédés de ce qu’il a appelé la « diplomatie nouvelle, » diplomatie dont il s’est déclaré l’adepte « dans une certaine mesure. » Mais n’a-t-il pas dépassé la juste mesure ? Et enfin, qu’est-ce que c’est que cette nouvelle diplomatie ? Serait-ce, par hasard, l’absence de toute diplomatie ? Il faut, paraît-il, aller en chercher le modèle un peu loin, de l’autre côté de l’Atlantique. Sir Edmund Monson en attribue, sinon l’invention, au moins les progrès à l’« originalité de l’esprit américain. » Nous avons lu les journaux américains ; ils ne se montrent pas du tout flattés de la solidarité que le malencontreux orateur paraît vouloir leur faire partager. Enfin, dans tout l’univers civilisé, l’impression a été la même, et sir Edmund Monson n’y a