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la divulgation de tous les secrets gouvernementaux est devenue l’un des traits essentiels des mœurs publiques, où toute politique suivie semble impossible. D’autre part, une association secrète qui sait tour à tour, et quelquefois en même temps, être occulte et provocante, qui trouve les moyens et s’arroge le droit de faire sentir son action au moment même où elle la cache, et de l’imposer au moment même où elle la nie, qui double la prestigieuse force du mystère en y ajoutant parfois les gratuites apparences du ridicule, qui semble provoquer le haussement de nos épaules pour mieux peser sur elles, qui séduit les uns par la vanité des hochets, les autres par la perspective d’un avancement, ceux-ci par l’espoir d’un service et ceux-là par la fascination d’une langue emphatique, qui retient certaines fidélités par la reconnaissance, beaucoup par l’ambition, toutes par la peur, qui dompte les députés par les fonctionnaires et les fonctionnaires par les députés, et qui parvient, enfin, à glisser dans la presse ce qu’elle y veut glisser sans laisser deviner ce qu’elle y veut taire. Il est naturel et il est logique que cette association vise à l’hégémonie de ce pays, et l’on s’explique comment un publiciste radical, M. Fernand Maurice, pouvait dire sans trop de jactance au convent de 1890 : « Incontestablement, nous sommes tous d’accord sur ce point que la maçonnerie ne donne pas aujourd’hui le plein de ses forces, qu’elle n’a pas aujourd’hui, sur la politique de la France, l’action qui lui devrait être dévolue, qui lui appartient… Nous n’emportons pas le morceau, et il faut que cela soit. Eh bien, si la maçonnerie veut s’organiser… je dis que, dans dix ans d’ici, la maçonnerie aura emporté le morceau et que personne ne bougera plus en France en dehors de nous[1]. » Dix ans ont passé, depuis lors; et la France, défiante de l’internationalisme maçonnique, désespérant de savoir jamais vers quelle fin mystérieuse essaie de l’acheminer la politique, intérieure et extérieure, de la maçonnerie française, semble faire effort pour réclamer, avec le droit d’association, le droit de bouger.


  1. B. G. O., août-sept. 1800, p. 500-501.