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La première dépêche envoyée au moyen de ce nouveau télégraphe, de Douvres à Paris, a été adressée par M. Marconi à un savant français, M. E. Branly, professeur à l’Institut catholique. C’était un juste hommage de la science appliquée à la science pure. La télégraphie sans fil, en effet, est une application directe d’une découverte de M. Branly, celle des radio-conducteurs. Les ondes électriques, qui se propagent à travers la Manche d’une rive à l’autre et qui servent ainsi d’agent de transmission, c’est un illustre physicien allemand, Heinrich Hertz, qui a appris à les produire, en 1887 ; c’est le physicien français qui, en 1890, a enseigné à les capter. H. Hertz et E. Branly sont les pères de cette invention envisagée dans son principe essentiel, à savoir : génération d’ondes hertziennes au poste d’envoi, captation des ondes au poste de réception. À MM. Popoff et Marconi revient le mérite d’avoir conçu l’application et d’avoir combiné ingénieusement les moyens de la réaliser. Le professeur russe Popoff a utilisé le premier, en 1895, l’instrument de Branly, le radio-conducteur, pour une transmission à distance, dans ses recherches sur l’électricité atmosphérique. Il plantait dans le sol, lui aussi, une sorte de mât métallique, au sommet duquel il attachait, comme un écriteau, une plaque conductrice de grandes dimensions : cette large antenne était, là encore, destinée à recueillir des ondes électriques ; et ces ondes, à la vérité, n’étaient point produites artificiellement dans un appareil télégraphique; elles venaient d’une source naturelle, génératrice d’ondes hertziennes, à savoir : les éclairs, la foudre, les décharges électriques de l’atmosphère. Ce rudiment de télégraphe était un messager des orages lointains. En 1896, à Rome, M. Marconi complétait cette ébauche et imaginait le système qui, successivement perfectionné, fonctionne aujourd’hui. Bientôt après, un constructeur de Paris, M. Ducretet, organisait sur les mêmes principes un télégraphe sans fil; dans son laboratoire de la rue Claude-Bernard, il mettait en communication sans fil deux chambres plus ou moins éloignées ; puis, il établissait les deux postes au Panthéon et à l’église du Sacré-Cœur, dont la distance est de 4 kilomètres à vol d’oiseau; et enfin, plus récemment, il lançait des télégrammes de ce dernier point à l’église Sainte-Anne de Tolbiac, éloignée de 7 kilomètres. On a vu fonctionner ces appareils à l’Exposition annuelle de la Société de Physique au mois d’avril 1898. M. Mascart a rendu compte à l’Académie des Sciences de leur bon fonctionnement : les signaux étaient très nets, même en temps d’épais brouillard; le récepteur permettait la traduction au son, ou l’enregistrement automatique.