Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vont me verser la foi des simples paysans
Qui parlent au bon Dieu, là, depuis six cents ans,
Et dont aucun jamais n’a connu mon angoisse.
Devant ce Saint Martin, patron de la paroisse,
À cheval et coupant du glaive son manteau,
Des cœurs d’or et d’argent sont mis en ex voto,
Et voici l’if de fer où brûle encore un cierge
Devant une rustique image de la Vierge
Tenant sous son talon le serpent écrasé,
Et montrant dans son sein un cœur martyrisé
Que sept poignards aigus font saigner sous leurs pointes.
Le long contact des fronts courbés et des mains jointes
À fini par polir le dossier des vieux bancs.
Tout là-haut, avec ses vergues et ses haubans,
— Don de pauvres marins sauvés d’une tempête, —
Un petit trois-mâts pend au-dessus de ma tête.
Tout enfin, dans l’église, évoque autour de moi
La piété naïve et la profonde foi.

O foi du peuple, foi des humbles, je t’envie !
Ils sont sûrs que la mort est l’éternelle vie,
Et quand, près de ce grand portail à deux vantaux,
Un cercueil de sapin est mis sur les tréteaux
Et reçu par les chants des clercs en lourde chape,
Ils pensent dans leur cœur que l’âme qui s’échappe.
Pure, de ce bas monde et vole aux cieux ouverts,
Va recevoir le prix des maux qu’elle a soufferts.
Cette foi simple habite en ces voûtes sacrées ;
Elles en sont, depuis six siècles, pénétrées.
Dans cette vieille nef, tant de chrétiens pieux,
Et leurs pères, et les aïeux de leurs aïeux,
Perdus dans un passé dont plus rien ne surnage,
Ont tant prié, depuis le lointain moyen âge !
Ici, leur âme a pris tant de fois son essor !
Communion des Saints, je puise en ton trésor !
Je respire de la prière accumulée ;
Elle verse son baume en mon âme troublée,
Et mon cœur, qu’à grands coups irrités je frappais.
Se calme et se remplit d’espérance et de paix,
Comme un golfe orageux soudain se tranquillise.