Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/588

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Silencieux au bord de la mer murmurante
Était l’Amour menant quelque Déesse errante,
Et j’adorai tout bas le beau couple divin.
L’ombre grandit du promontoire ; la nuit vint.
Et quand l’aurore au ciel eut fait pâlir l’étoile,
Je vis à l’horizon fuir une blanche voile…
Je n’ai plus retrouvé mon songe disparu,
Et, chaque soir, j’apporte à la place où j’ai cru
Voir les divins amans s’étreindre bouche à bouche
Quelques branches de myrte ou quelque lourde souche ;
Et j’allume, en l’honneur de leur baiser sacré,
Un grand feu qui pétille et qui flambe empourpré,
Et qui monte, grandit et, radieux, éclate
En la haute fureur de sa flamme écarlate ;
Et qui, splendide, et tel que leur tragique amour
Ne laisse chaque fois de lui-même et toujours
Qu’une cendre stérile, une vaine fumée…
Et maintenant, par toi, je sais, ô Renommée,
Que ce couple entrevu jadis sur le ciel clair,
Se tenant par la main et regardant la mer
Du haut du promontoire où la flamme rougeoie,
Fut Hélène de Sparte avec Paris de Troie.


LE FOYER



Sur le seuil du palais assise de nouveau
Hélène a retrouvé le fil et le fuseau,
Et sa main calme achève au soir de sa journée
Le labeur de sa vie et de sa destinée.
La porte derrière elle ouverte laisse voir
À l’âtre rallumé et qui longtemps fut noir,
Brûler le tronc de hêtre et la souche d’érable ;
Les viandes et les vins chargent la lourde table
Car l’automne est venu qui mûrit les vergers,
Et déjà l’outre est pleine et les ceps vendangés ;
Mais Hélène sourit et reste toujours belle.
Au retour, le foyer s’est ranimé pour elle ;