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s’est donné ; mais enfin il se l’est donné et il ne dépend plus de lui de s’y soustraire. Joignez à ces divisions déjà si nombreuses toutes celles que doit entraîner la diversité des positions et des engagemens individuels, et trouvez ensuite, si vous le pouvez, un concert quelconque d’opinions au milieu d’un pareil chaos………. Tous les journaux ont parlé de la mort de Mlle Chameroy, danseuse de l’Opéra, et du refus éclatant que le curé de Saint-Roch a fait de l’admettre dans son église. Les avis ont d’abord été partagés sur ce refus. Bien des honnêtes gens le blâmaient ouvertement : c’était une imprudence, disaient-ils, de contrarier aussi publiquement l’esprit de la Révolution ; il fallait savoir s’accommoder aux circonstances. D’autres, au contraire, applaudissaient à son courage et voyaient la religion triompher dans sa généreuse résistance. Bientôt une décision du gouvernement est venue mettre fin à ces contestations. Un article, envoyé au Journal officiel par Bonaparte lui-même, a prétendu que le curé de Saint-Roch n’avait pu agir ainsi que dans un moment de déraison et a annoncé que M. l’archevêque de Paris l’avait mis en pénitence pour trois mois ; il a traité de niaiseries et de superstitions abolies par le Concordat toutes les ordonnances et tous les règlemens des rituels. Il serait difficile d’exprimer combien la publication de cet article a causé de joie aux philosophes et de consternation aux amis de la religion. Les premiers, en voyant l’archevêque de Paris se prêter si docilement aux ordres du gouvernement, répètent partout qu’il doit être bien prouvé désormais que la religion catholique, comme toutes les autres, n’est qu’une institution purement politique, qui se plie à toutes les circonstances, et à laquelle on peut ajouter ou dont on peut retrancher à son gré. Les seconds déplorent la faiblesse et l’avilissement du premier pasteur de la France, avilissement d’autant plus grand que M. le curé de Saint-Roch l’avait consulté, avant d’agir, et en avait reçu l’ordre exprès de refuser le convoi. Afin que rien ne manque au malheur de cette circonstance, on assure que M. l’archevêque de Paris va rendre incessamment une ordonnance, dans laquelle il dégagera les comédiens de l’excommunication prononcée contre eux, se fondant sur ce motif que le gouvernement s’occupe d’épurer les théâtres et de les ramener à leur institution primitive.