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n’était pas ; ou en 1810 : elle n’était que par l’arbitraire, le bon plaisir, le caprice de l’Etat. Et qu’était-ce que le caprice de l’Etat de 1810 ? Le bon plaisir de l’Ancien Régime, par lequel le roi faisait défense à vingt gentilshommes de s’assembler sans sa permission[1].


II

Cependant la France se piquait d’être à présent une démocratie. Et cependant la Constitution belge de 1831 disait : « Les Belges ont le droit de s’associer ; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive. » La Constitution néerlandaise de 1848 : « Les habitans ont le droit de s’associer et de s’assembler. » La Constitution suisse : « Les citoyens ont le droit de former des associations, pourvu qu’il n’y ait dans l’objet de ces associations ou dans les moyens qu’elles emploient rien d’illicite ou de dangereux pour l’Etat. » La Constitution allemande de 1849, œuvre du parlement de Francfort : « Les Allemands ont le droit de s’associer. Ce droit ne peut être restreint par aucune mesure préventive. » La Constitution prussienne de 1850 : « Tous les Prussiens ont le droit de former des associations dont le but n’est pas contraire aux lois pénales. » La loi fondamentale autrichienne de 1849 : « Les citoyens autrichiens ont le droit de se réunir et de s’associer, en tant que le but, les moyens ou la forme de l’association ne sont pas contraires au droit général, ni dangereuses pour l’État ; et celle de 1867 la confirme en la reproduisant. La Constitution espagnole de 1876 : « Tout Espagnol a le droit de s’associer pour les fins de la vie humaine. »

Avec l’Angleterre, on n’ose même pas établir de comparaison. Le droit anglais proclame la liberté des associations politiques comme une chose allant de soi et, de plus, aux yeux de tout Anglais, le droit de s’associer pour un objet privé, littéraire, de bienfaisance ou de plaisir est par lui-même un simple droit privé, où rien ne peut justifier une intervention de l’Etat. Les Américains, sur ce chapitre, sont du même avis que les Anglais, malgré les inquiétudes que Washington a pu autrefois exprimer à l’égard de certaines associations politiques et le peu de tendresse qu’il leur montrait en 1786 et jusqu’en 1794[2]. Aussi, quand, après

  1. Voy. Taine, Origines de la France contemporaine, 22e édit. (in-16), t. Ier, p. 56.
  2. Lettres de Washington du 30 septembre 1786 et du 26 août 1794.