Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/702

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est pas tout. On trouve ces élémens, ailleurs encore, dans des tissus, tels les revêtemens de la peau ou des muqueuses, dans lesquels il semble qu’il n’y ait point de place pour eux, puisque les cellules qui les composent sont contiguës et pressées les unes contre les autres. Mais les leucocytes les écartent, s’insinuent entre elles, et si nous en croyons M. Renaut (de Lyon), ils les percent à jour et se frayent ainsi, pour eux-mêmes ou pour quelqu’un de leurs prolongemens, une route qui leur permet d’aller se décharger ou s’alimenter dans le contenu de l’intestin. Ils tendent donc, à travers les muqueuses, par une sorte de diapédèse intestinale qui est connue sous le nom de « phénomène de Stœhr, » vers toutes les surfaces libres où les appellent des substances solubles extérieures. Chemin faisant, ils détruisent les microbes qui, marchant en sens inverse, tendraient à envahir l’organisme et à provoquer ainsi une infection d’origine intestinale.

Chose remarquable ! cette immense armée phagocytaire répandue dans les différens tissus n’est point parquée dans chacun d’eux comme dans un cantonnement infranchissable. Les leucocytes sont toujours en mouvement. Ce sont les mêmes qui, primitivement contenus dans les vaisseaux, en sortent et se retrouvent au dehors. Cohnheim le premier, en 1867, saisit sur le fait cette émigration. Il vit dans les régions enflammées, où les vaisseaux sont gorgés et distendus, les globules blancs pousser un prolongement qui semble percer la paroi, mais qui en réalité se contente de s’insinuer entre ses élémens, et, en s’allongeant, tire en quelque sorte le corps tout entier à travers cet étroit canal. Cette émigration qui s’est produite sans effraction, par simple passage à travers les pores et interstices de la paroi vasculaire a reçu le nom de diapédèse. Elle est ordinairement provoquée par un corps étranger, par quelque microbe pathogène, qui s’est introduit dans la place et y a répandu la sécrétion irritante, cause de l’inflammation. Les phagocytes, attirés de l’intérieur des vaisseaux par une sorte de sensibilité chimique, accourent et dévorent l’envahisseur ; mais s’ils sont incapables de le dissoudre, ils le portent dans leurs flancs comme une cause de ruine ; ils dégénèrent à leur tour, se transforment le plus souvent en globules du pus, et l’inflammation aboutit à la purulence.

On a saisi, après Cohnheim, le cheminement du leucocyte à travers d’autres organes que la paroi du vaisseau et particulièrement à travers les lames pressées qui constituent la cornée transparente