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s’emploient, avec une activité, qui n’est pas toujours heureuse, à arranger les difficultés dont leur ingénuité ne saisit pas tous les dessous. Ils travaillent ensemble et paraissent d’accord ; ils le sont pour le moment. Plus tard, cependant, ils se diviseront, et il n’est pas impossible qu’il y ait, dans leur collaboration présente, le germe des futures discordes.

Tout ce monde tournait autour de Richelieu, dont la robe ne pouvait s’isoler de la leur, et dont chacun présumait, selon ses convenances, les véritables sentimens. C’était le Père Arnoux, le bon jésuite, zélé et maladroit, qui l’accablait d’une correspondance extraordinairement optimiste. « Le retour est sans péril, souhaité, bien reçu de tous. » Quand Richelieu prend la plume pour lui répondre, il n’est pas en reste de propos bénins : « Le zèle que vous avez au bien public et la faveur que vous me faites de m’aimer me font croire que vous aurez agréable que je vous témoigne, par cette lettre, la résolution que la Reine a prise de s’en aller bientôt à Paris voir le Roi… Je ne vous dis point la joie que j’en ai, estimant que c’est le bien de l’Église, de l’Etat et de Leurs Majestés. » C’est aussi le cardinal de Retz qu’on paie de la même monnaie, non sans une allusion fine aux véritables sentimens de la Cour : « Je ne puis vous dire la joie que j’ai d’avoir appris, par la lettre qu’il vous a plu m’écrire, la Reine être désirée aux lieux où vous êtes. Je me promets que vous la verrez bientôt à la Cour, s’il plaît à Dieu, étant tellement affermie en la résolution qu’elle a prise de s’y acheminer, que je ne vois aucune chose qui puisse la divertir… » C’est, de nouveau, le Père de Bérulle, qui agit sous la direction du nonce Bentivoglio, et qui est, au fond, plus dévoué à Luynes qu’il ne veut le laisser paraître ; c’est l’archevêque de Sens, Du Perron, qu’on met maintenant en avant et qu’on substitue au cardinal de la Rochefoucauld, trouvé vraiment trop incapable, depuis sa mission d’Angoulême.

Puis, ce sont des amis particuliers de Richelieu : Bouthillier, abbé de la Cochère, qui se laisse prendre aux belles paroles de Luynes, et enfin, celui de tous qui a le plus d’influence sur Marie de Médicis et sur l’évêque, le Père Joseph. Quand on vint le trouver, sur l’ordre du nonce, le capucin hésita beaucoup. Son instinct ou sa déférence pour son ami le tenaient en suspens. On invoqua l’intérêt qu’il y avait à réunir toutes les forces catholiques du royaume contre l’hérésie. Cet argument le décida : « Je vous assure, écrivait-il lui-même, qu’aucune des pensées que j’ai jamais