Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/857

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’affaire, s’appelle encore tchang koei ti ; pour nous il n’est plus un patron, mais un gérant ; chaque année, cala douzième lune, après les comptes et inventaires annuels qui résument les comptes mensuels, le bénéfice qui ressort est partagé entre le maître et le gérant. Outre ces deux cas simples, il s’en trouve naturellement de plus compliqués, combinaisons des premiers ; plusieurs capitalistes peuvent fournir les fonds, plusieurs gérans diriger la maison de concert ; un ou plusieurs des gérans peuvent concourir à former le capital. Mais toujours ceux qui ne sont que bailleurs de fonds s’abstiennent de s’immiscer dans la direction de la maison qui incombe aux seuls gérans ; et toujours, à la fin de l’année, les bénéfices sont répartis en raison des capitaux et des services, suivant une proportion fixée par l’acte d’association.

Les bailleurs de fonds ne sont pas des commerçans. Cette distinction n’a, du reste, pas d’importance juridique en Chine, où il n’existe pas de droit spécialement commercial ; elle n’a d’intérêt que pour la constitution de la classe commerçante : un mandarin, qui croirait déroger en faisant du négoce, ne fait pas difficulté de fournir des capitaux à des affaires commerciales, pourvu qu’il en puisse tirer des bénéfices. Les gérans, au contraire, devant être hommes d’expérience, sont toujours des hommes de boutique, qui ont été successivement apprentis et commis ; entre le chef de la maison et le dernier venu des apprentis, il y a une différence de rang hiérarchique, mais pas de condition sociale. L’aristocratie des gérans sort, par la sélection du mérite, des rangs inférieurs de la population marchande ; elle ne lui est pas étrangère, elle a même éducation, mêmes habitudes, même langage, même costume. La communauté du culte rendu à l’esprit protecteur de la boutique par les chefs et par les subalternes, les banquets semi-rituels, tout au moins de signification, que tous partagent plusieurs fois dans l’année, les étrennes qui sont données, sont autant d’expressions du lien d’union, bien plus fort qu’un simple contrat. L’autorité des uns sur les autres est toujours tempérée par cette bonhomie, cette simplicité patriarcale qui règne partout en Chine entre gens de même classe, par cette modération des manières due à la pratique invétérée des rites, par ce souci de maintenir l’égalité entre gens de même rang qui n’est pas tant inné au supérieur que bien plutôt imposé par un vif sentiment de justice de la part des inférieurs. Ainsi mitigée, l’autorité des chefs n’en est pas moins très grande : j’ai