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femme, cependant que les Frères, levant brusquement leurs glaives, dressent un toit d’acier sur les têtes du jeune couple et lui font promettre que les enfans seront élevés « dans le respect de la science et de la raison, dans le mépris des superstitions, dans l’amour des principes de l’ordre maçonnique. » Aussitôt, au nom du Grand Orient de France, la reconnaissance conjugale est proclamée, et la liturgie est à peu près finie; — il ne reste plus que les discours.

C’est en multipliant de semblables cérémonies que M. Blatin espère multiplier, parmi les profanes, les conversions maçonniques. Il fut un temps où le Grand Convent et la majorité du conseil de l’Ordre semblèrent hostiles à cette espérance : c’était en 1890. M. Amiable, maire du V e arrondissement de Paris, mort conseiller à la Cour d’appel d’Aix, proposa vainement, cette année-là, l’achat d’un matériel pour une cérémonie funèbre triennale par laquelle le Grand Orient rendrait hommage aux maçons disparus : « Sans le symbolisme, s’écria-t-il, nous serions une association quelconque, nous ne serions plus la franc-maçonnerie. » Mais M. Doumer, aujourd’hui gouverneur général de l’Indo-Chine, riposta : « Nous ne croyons pas, comme le F. Amiable, que toute la force, que la charpente de l’œuvre de l’institution maçonnique, ce soient les rituels, les décors, l’apparat. Si nous voulions contrefaire l’Église, nous réussirions mal. » M. Blatin vint à la rescousse : « J’estime, déclara-t-il, que, le jour où vous porteriez une atteinte au symbolisme maçonnique dans les conditions qui ont été spécifiées par le F.-. Doumer, vous auriez tué d’une manière définitive le Grand Orient. » M. Doumer eut raison de M. Blatin, et la proposition de M. Amiable fut repoussée[1]. Mais le député du Puy-de-Dôme eut une rapide revanche : choisi comme président par le convent de 1895, il entendit M. Merchier, rapporteur général des travaux des loges, célébrer avec conviction son œuvre de liturgiste[2]. On peut dire que dans la maçonnerie française, après une apparence de crise, le symbolisme est demeuré vainqueur.

M. Minot, dont les Rituels des trois premiers degrés et de la loge de table, publiés il y a deux ans[3], sont très usités dans les cérémonies secrètes des loges, professe en sa préface que le symbolisme

  1. B. G. O., août-sept. 1890, p. 433-452.
  2. B. G. O., août-sept. 1895, p. 168.
  3. Paris, impr. Adolphe Reiff, 1897.