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On sait, par exemple, que chez les animaux dont la vie s’écoule dans un milieu faiblement éclairé (oiseaux nocturnes, poissons des grandes profondeurs), les yeux atteignent un développement exagéré alors que ces organes deviennent rudimentaires ou disparaissent entièrement lorsque l’animal vit dans une obscurité complète. La taupe ordinaire est pourvue de fentes oculaires étroites ; une autre espèce, habitant l’Amérique du Sud, et qui creuse des galeries à une profondeur beaucoup plus grande, est d’une cécité complète ; de même, chez certains poissons, les yeux dégénèrent lorsque l’animal passe des eaux de surface aux eaux abyssales.

La coloration des animaux varie aussi corrélativement avec la lumière. Les animaux qui vivent dans l’obscurité se distinguent par leur faible coloration ou sont même complètement incolores.

L’excitation lumineuse, capable de déterminer l’apparition de pigmens dans les tégumens de l’animal, provoque dans certains cas des phénomènes physiologiques plus profonds. C’est ainsi, par exemple, que les crustacés décapodes périssent dans les conditions hygiéniques d’ailleurs les plus favorables, lorsque leur corps a été recouvert d’un vernis opaque, alors qu’un vernissage transparent leur permet de rester en bonne santé durant un laps de temps assez considérable. Sous l’action de la lumière, les tissus de l’animal dégagent une plus forte quantité d’acide carbonique (Moleschott, Perrier, etc.). L’ensemble de la radiation solaire agit d’ailleurs autrement que les radiations composantes prises à part. C’est ainsi, par exemple, que si le dégagement d’acide carbonique est de 100 unités en lumière blanche, il sera de 122,6 unités sous l’action des rayons bleus, de 128,5 sous l’influence des radiations vertes et de 175 environ dans la partie jaune du spectre, d’après les observations de Pott. Pareillement, l’absorption d’oxygène est plus forte à la lumière qu’à l’obscurité. Gräffenberg a trouvé que la quantité d’hémoglobine, matière colorante contenue dans les globules rouges du sang, diminue sous l’influence du séjour à l’obscurité.

Dans la vie des plantes, l’action des rayons solaires est encore plus marquée : leur croissance s’opère dans la direction de la source de lumière ; les parties exposées aux rayons solaires directs se développent mieux et plus rapidement que les parties à l’ombre ou dans l’obscurité. La chlorophylle, le vert des plantes, disparait à l’obscurité, et l’on ne voit végéter dans les cavernes souterraines que quelques champignons souvent à l’état de cellules rudimentaires.