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Genève. À Paris, après avoir renversé, au siècle dernier, la Bastille et la rue, Saint-Antoine, on a cru devoir en restituer des effigies au Champ-de-Mars, en 1888, et l’on nous promet pour l’an 1900, sur les berges de la Seine, une parodie du vieux Paris qu’on a jadis démoli avec enthousiasme. Ainsi, détruisons-nous nos vieilles demeures séculaires, quittes, cent ans après, à en tenter quelque incertaine et coûteuse « restitution, » pour que les foules viennent goûter des « apéritifs » très nouveaux sur des escabeaux très rétrospectifs.

Sans doute, on entend, çà et là, des protestations. À Florence, notamment, une clameur, grossie par la clameur des artistes du monde entier, a retenti contre les projets en cours d’embellissement destructif. Une ligue s’est formée de Florentins passionnés pour la beauté de la fleur du val d’Arno, sous le titre d’Associazione per la difésa di Firenze antica. Mais à ces protestations on répond quelque chose d’apparence très logique : ou ces vieilleries sont dignes d’être conservées, leur dit-on, ou elles ne le sont pas. Si elles ne le sont pas, qu’importe qu’on les détruise ? Et si elles le sont, quoi de mieux que de les abriter dans un musée ? D’ailleurs, qu’est-ce qui est menacé dans cette Florence que vous prétendez défendre, et pourquoi tout ce bruit ? Pourquoi ces dix mille signatures de princes, d’évêques, de romanciers et de tribuns, protestant contre notre voirie municipale et que vous êtes allés chercher jusqu’aux confins de la civilisation, depuis les autorités du Massachusetts jusqu’à celles de la Tasmanie ?… Est-ce qu’il est question de détruire un seul des monumens qui font la gloire de notre ville à l’étranger ? Est-ce qu’on touche au Palais Vieux, au Palais Pitti, à Sainte-Marie-Nouvelle, au Dôme ? Regardez donc le plan que vous attaquez… Il ne touche même pas au Ponte Vecchio, pourtant si étroit et si incommode ! Il respecte tout ce que les guides montrent aux touristes, et, quand il sera exécuté, non seulement l’itinéraire des Cook’s tours ne sera pas entravé par les démolitions nécessaires, mais, en traçant des voies plus droites et plus larges d’un monument à l’autre, nous permettrons aux étrangers de tout voir ou moins de temps… Que prétendez-vous encore ? Qu’il y a de jolis détails architecturaux dans les maisons de la place San Biagio… Quoi donc ? Cet écusson sur le palazzo dei Canacci, ces moulures ?… Et là-bas, au palazzo di Parte Guelfa, cette colonnette de la loggetta del Vasari ?… Et, dans le borgo San Jacopo, quelques mâchicoulis ?… Eh bien ! on