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langage de l’univers. En un mot, ces vérités forment comme un noyau solide de fortes et inébranlables convictions : elles ne flottent pas au gré d’une pensée inconsistante ; elles sont les postulats de la vie ; la certitude qui les accompagne est inaltérable et se suffit à elle-même.

Cette conception d’une certitude intégrale, en rétablissant de toutes parts les lignes de communication qui joignent la croyance à la réalité, devait avoir pour premier effet de signaler l’importance des données premières ou d’une foi instinctive dans la connaissance. Faut-il nous plaindre ou nous étonner de cette foi primitive qui se dissimule à l’origine et comme au germe du savoir ? Ce serait bien mal comprendre les procédés spontanés de la nature et bien mal profiter des enseignemens de l’histoire. Trouve-t-on des opérations explicites de la raison au principe ou dans la formation de ce que l’humanité aime, désire et pratique. C’est plutôt à des élémens irrationnels, qui sont en elle comme une revanche prise par l’action et par la vie sur l’idée pure et sur la logique abstraite, que ces inventions collectives qu’on nomme la civilisation et la religion doivent leur force incomparable ; et le même phénomène se produit à chaque instant dans les individus eux-mêmes. Et c’est justice ; car dans cette disposition éclate, en même temps que l’importance de l’inspiration, une secrète et admirable harmonie entre la vraie fin de l’homme et ses facultés. L’homme n’est-il pas avant tout un être moral, et la foi n’est-elle pas l’indice de cette vocation supérieure ? « Que dans le pur intellectuel quelque chose se cache qui ait avec la moralité de l’analogie, pourquoi serait-ce étrange ? La suprématie de l’ordre moral s’annonce ainsi dans les profondeurs de l’être humain. »

Voilà donc le rôle de la volonté et du sentiment proclamé et justifié. On sera peut-être tenté de s’étonner, après cela, que M. Ollé-Laprune ait pu écrire tout un chapitre sur le danger d’exagérer le rôle de la foi morale, en un moment où la foi morale, battue en brèche par la foi scientifique, était loin d’avoir le droit de cité qu’elle semble avoir conquis depuis. Nous verrons, un peu plus tard, que cette crainte ne tient ni à une réserve timide que pourrait inspirer encore le goût attardé des explications rationnelles, ni à une défiance à l’égard des nobles esprits qui professent de telles croyances. Mais à première vue ces procédés violens lui répugnent : contraires à l’instinct fondamental de la raison, ils créent une scission là où l’harmonie doit régner. Aussi