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extérieure. Aussi bien trouvait-il dans la tradition chrétienne une force capable de régler l’action, de tout dominer sans rien étouffer. En même temps elle lui offrait, dans la variété de ses inventions et dans l’immobilité de sa trame, ces principes de consistance et de mobilité sans lesquels la vie sociale et morale ne serait tour à tour qu’inertie et que désordre. C’est donc parce que sa pensée, profondément imprégnée d’hellénisme, cherche et veut produire l’harmonie, qu’elle fait retour au christianisme donné justement comme le postulat suprême de l’action, au christianisme qui croit en l’harmonie et qui la fait être. D’un autre côté, il retrouvait dans ce christianisme de l’unité et de l’infaillibilité ce qui pouvait seul satisfaire ce besoin rationnel d’une organisation perpétuelle sans laquelle la vie, toujours sur le point de s’oublier et de se fuir elle-même, serait vouée à la loi des efforts infructueux et des pénibles recommencemens. Dans la suite ininterrompue de ses dogmes et dans le déroulement majestueux de sa doctrine, ce christianisme, sans se confondre avec une religion simplement intérieure, lui offrait la mouvante image de l’activité spirituelle qui se multiplie, elle aussi, sans pourtant se disperser, qui évolue sans changer de nature, en laissant plutôt s’épanouir lentement une pensée initiale. Mais plus encore que tout cela l’Église lui apparaissait avec cette souveraineté de la raison et de la vérité que les hommes aspirent à trouver quelque part établie d’une manière sensible : elle était à ses yeux l’institution sociale par excellence, la force capable de rythmer les mouvemens de l’âme, toujours prête à tomber, sans elle, dans une sorte de frénésie intellectuelle. Avec la plénitude de ses croyances, armée de cette maîtrise que souhaitent parfois les esprits pour se préserver contre leurs propres égaremens, elle seule pouvait les élever au-dessus de la région des doutes, des dissentimens et des orages, dans la zone pacifique de la foi et des certitudes divines. Et quel appui que cette unité de croyance, non seulement pour la coopération sociale, mais encore pour la tranquillité et la liberté définitive des âmes ! Quelle puissance de réparation et d’affranchissement pour la vie morale ! Enfin, dernier trait par lequel le christianisme devait encore invinciblement ramener ses solutions, — dans l’universalité de ces croyances lentement élaborées par la conscience religieuse de l’humanité, il offrait une expression objective où devait forcément se complaire cette philosophie de l’unité, désireuse non seulement d’établir l’accord intime, mais