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« déclarations d’inaliénabilité.  » Celles-ci n’ont pas le même sens selon qu’on les regarde du point de vue chinois ou du point de vue européen. Lorsque, pour la première fois, le prince Kong entendit formuler une pareille exigence à propos d’Haï-nan, il répondit que l’île, faisant partie intégrante du territoire chinois, jamais le gouvernement ne pourrait avoir l’idée de la céder à qui que ce soit et qu’il ne comprenait pas pourquoi nous désirions en recueillir l’assurance officielle ; mais, « étant données les relations étroites d’amitié et de bon voisinage que la France entretient avec la Chine,  » le Tsong-li-Yamen consentit purement et simplement à constater que l’île est et restera chinoise. Ces actes ne concèdent donc aucun droit d’aucune sorte à la puissance à qui ils sont adressés ; ils sont avant tout une affirmation du principe de l’intégrité du Céleste Empire. Mais, vis-à-vis des autres nations qui ont en Chine des intérêts, ces déclarations ont une portée tout autre ; elles signifient que la France, par exemple, n’admettrait pas qu’une puissance quelconque occupât un territoire, soit dans l’île d’Haï-nan, soit dans les provinces contiguës au Tonkin, et qu’elle serait prête, le cas échéant, à donner son appui au gouvernement chinois pour en interdire l’accès. M. de Bulow, au Reichstag, a parfaitement défini cette politique[1]. « On a parlé du partage de la Chine, a-t-il dit. Un tel partage ne sera jamais en faveur auprès de nous. Tout ce que nous avons fait est de prendre nos précautions pour que, quoi qu’il arrive, nous ne restions pas les mains vides. Le voyageur ne peut décider quand le train partira, mais il peut faire en sorte de ne point le manquer quand il partira. Tant pis pour les retardataires. Mais nous ne désirons pas un partage de la Chine et je ne crois pas que ce partage soit imminent… Nous ne voudrons jamais être un brandon de discorde, mais nous ne jouerons pas le rôle de Cendrillon.  » Nous aussi, nous avons tenu à être prêts si le train vient à partir… L’intégrité de la Chine reste garantie ; juridiquement, les cessions à bail ne l’ont pas entamée ; mais chacune des grandes puissances a voulu marquer à quelle part, dans l’éventualité d’un partage, elle prétendrait.

S’il était nécessaire de déterminer, dans le sud de la Chine, une région où nous pourrons exercer plus spécialement notre action et développer notre commerce, il serait fâcheux de devenir

  1. Déclaration de M. de Bulow, 27 avril 1898. Blue Book de 1899, n° 64.