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les fermens oxydans, est devenue transformable en ammoniaque, la forme mobile entraînable de nitrates. On conçoit que cette matière azotée, qui ne se forme que lentement par transformation de l’humus, peu abondante par conséquent, soit rapidement dissipée si elle n’est pas renouvelée par les fumures, et qu’une terre qui ne reçoit d’autre amendement que de la chaux ou de la marne, se trouve après quelque temps dépouillée de son humus attaquable, et devienne momentanément stérile. Si par des fumures régulières on rétablit la teneur du sol en matières azotées, capables de fournir de l’ammoniaque, puis des nitrates, le chantage n’a plus les inconvéniens qu’il présente quand il n’est pas accompagné de l’épandage du fumier de ferme.

Au moment où l’emploi des amendemens calcaires se propagea dans l’ouest de la France, on n’avait aucune idée des réactions qui se produisent dans le sol ; en voyant de brillantes récoltes suivre l’épandage de la chaux, on supposait naturellement qu’elles étaient dues à la chaux elle-même, on ne se doutait pas que cette base se borne à mobiliser les réserves azotées du sol et qu’en ne les rétablissant pas, on arriverait à l’épuisement.

Par empirisme, on était arrivé cependant à un emploi très rationnel de la chaux et du fumier ; on faisait et on fait encore un mélange de chaux, de fumier et de terre. On a beaucoup combattu autrefois cette manière d’opérer, et si, en effet, on se bornait à mélanger le fumier à la chaux, on ferait de très mauvaise besogne, car on volatiliserait en pure perte l’ammoniaque du fumier, mais ce n’est pas ainsi qu’on opère. A la chaux et au fumier on ajoute de la terre ; son rôle est double ; d’une part, elle retient l’ammoniaque, et de l’autre, elle apporte les fermens nitrifians ; quand, après quelques semaines, la chaux a perdu sa causticité, le milieu est devenu favorable à la nitrification ; on l’excite en recoupant la masse à la bêche ; on en mélange ainsi toutes les parties, on les aère, et après quelques mois on répand sur le sol une terre imprégnée de nitrates qui exercent leur action fécondante habituelle.

Le chaulage est particulièrement utile au moment où il s’agit de mettre en culture des terres de landes abandonnées depuis des siècles à la végétation spontanée ; sous son influence, la flore de ces terres stériles se transforme. Les plantes qui couvrent les terrains siliceux sont différentes de celles qui croissent sur les terrains calcaires ; on en voit un exemple frappant en sortant de