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Versailles par les chemins de fer qui se dirigent vers l’Ouest. Entre Versailles et Saint-Cyr, se trouve un lambeau de terrain siliceux ; il est très étroit, mais pendant quelques centaines de mètres, les bois sont presque exclusivement composés de châtaigniers, les terrains vagues couverts de bruyères, de genêts et d’ajoncs ; un peu plus loin, toutes ces espèces ont disparu, on a regagné les terres calcaires.

Quand on apporte de la chaux sur une terre siliceuse, on crée un milieu absolument défavorable aux plantes qui la couvrent, très propice, au contraire, aux espèces récemment introduites, et dans le combat pour la vie qu’elles se livrent, ces dernières sont rapidement victorieuses. En quelques années, la flore a changé ; elle change parce que les conditions d’alimentation végétale ont été profondément modifiées, et elles le sont surtout parce que les organismes qui préparent ces alimens, adaptés aux terrains calcaires, ont remplacé ceux des terres acides ; les bactéries à nodosités du trèfle ou de la luzerne remplacent celles des ajoncs ou des lupins ; les fermens nitriques entrent en jeu et donnent aux plantes exigeantes des terres fertiles, blé ou betterave, une vigueur qui leur permet de se substituer au seigle ou au sarrasin.

La fertilité est liée à l’abondance de l’humidité, qui n’est assurée que dans une terre ameublie : les amendemens calcaires maintiennent cet ameublissement ; elle est liée à la facile assimilation des phosphates, les amendemens calcaires la favorisent ; elle est liée surtout à la présence dans le sol des fermens producteurs de nodosités, des fixateurs d’azote, des fabricans de nitrates, et ces derniers, les plus utiles puisqu’ils mettent en œuvre les matériaux préparés par les autres, ne se propagent que dans un milieu calcaire, et on conçoit dès lors que l’épandage très ancien de la marne, plus récent de la chaux, ait souvent augmenté, parfois créé la prospérité agricole.


P.-P. DEHERAIN.