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s’attachant ni aux accusés, ni à leur crime hypothétique, le grand complot n’a pas pu tenir ce qu’on s’en était promis. Peut-être n’en sera-t-il pas ainsi jusqu’au bout ; peut-être, comme il arrive parfois, l’opinion se réveillera-t-elle en sursaut de son long sommeil : pour le moment, rien ne paraît devoir modifier ce calme plat et stagnant.

Le ministère a dû chercher encore autre chose, et cette fois il a trouvé. Les projets de loi que les journaux les mieux renseignés commencent à faire pressentir, et que certains ministres ont annoncés eux-mêmes dans des discours publics, sont faits assurément pour attirer l’attention. Nous ne pouvons pas encore en parler à bon escient, car nous voyons à peine des étiquettes, sans savoir ce qu’on mettra dessous. Le ministère nous réserve des surprises, et ne dit jusqu’à présent qu’une partie de son secret. Mais enfin, il a des projets. Il les déposera à la rentrée, et, s’il en fait aboutir seulement la moitié, ou même le tiers, on pourra contester qu’il ait vraiment rendu service à la République et au pays, mais il aura accompli l’œuvre législative la plus considérable en quantité qui ait été faite depuis vingt ans. Évidemment, un ministère qui se trace un pareil champ d’action se promet une longévité prolongée, et nous voilà bien loin des sentimens plus modestes que le nôtre manifestait, il n’y a pas plus de quelques mois. Tous ces projets de loi sont-ils vraiment désirés par l’opinion, et celle-ci n’est-elle pas plus alarmée que rassurée par ce qu’on lui a déjà fait connaître de quelques-uns d’entre eux ? C’est ce qu’il faudrait savoir, et ce que nous saurons bientôt. En attendant, un souvenir nous revient à l’esprit. Lorsque Gambetta, après avoir suscité tant d’espérances, arriva enfin au pouvoir et composa le grand ministère qui a été surtout une grande déception, il annonçait, lui aussi, qu’il avait tout un stock de projets de loi à déposer. « Déposez-les ! »lui disait-on. Mais il ne voulait pas le faire avant d’avoir soutenu victorieusement devant la Chambre le grand débat auquel était attaché le sort de son ministère, et il se contentait de placer près de lui sur la tribune, sans l’ouvrir, un portefeuille bourré de papiers. C’était le 26 janvier 1882. « Je pense, disait-il, que nous avons une politique à faire au point de vue de la réorganisation de nos services, dans la justice, dans l’école, dans l’armée, dans les finances. Pendant ces deux mois, dont on disait que nous avions demandé le crédit, mes collègues, mes collaborateurs qui siègent sur ces bancs, ont préparé des projets de loi… Oui, messieurs, dans ces projets de loi que j’ai là, on a préparé et mené à fin une législation sur les associations de tout