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ordre et de toute nature. C’est une législation qui n’attend guère que depuis 1791, et je pense qu’il est de quelque utilité d’annoncer au Parlement qu’elle est prête. » Et il ne s’arrêtait pas là. A côté de cette loi sur les associations, que M. Waldeck-Rousseau connaît bien, puisqu’il l’a déposée après la chute du cabinet Gambetta dont il faisait partie, à côté de cette loi qui, après avoir attendu plus de quatre vingt-dix ans, de 1791 à 1882, a attendu dix-sept ans encore, Gambetta en promettait vingt autres, sur les institutions de prévoyance et d’assistance, « au point de vue, disait-il, d’une politique sociale modérée, pondérée de façon à donner, dans la mesure qu’il convient, une protection efficace au travail et à l’invalidité de certaines classes sociales ; » sur les sociétés financières, sur le commerce, sur l’industrie, sur l’agriculture dont il s’agissait déjà d’assurer le crédit, etc., etc. « On est allé plus loin, ajoutait-il ; on a voulu compléter notre système d’éducation nationale, et les projets sont tout prêts ; on a voulu reprendre la législation qui régit les rapports de l’État et des Églises, et les projets sont tout prêts… Je pourrais prolonger cette liste, je pourrais demander à chacun de mes collègues, car chacun de mes collègues a dans son portefeuille… » Ici, une interruption venant à se produire, Gambetta reprenait en disant : « Je comprends que ce mot de portefeuille excite toujours dans une Chambre française, vu l’instabilité et la fragilité de leurs détenteurs, un sourire qui prend sa source dans des sentimens très variés. » Et on riait de plus belle ! Gambetta n’avait pas tort de parler de la fragilité ministérielle : c’est ce jour-là même qu’il fut renversé. La Chambre ne montra aucune curiosité de voir de plus près des projets qu’on lui annonçait pourtant d’une manière si séduisante. Elle invita les collaborateurs de Gambetta à remporter tels quels leurs portefeuilles, et elle renversa l’homme qui l’avait si longtemps dominée.

S’il en sera de même demain, nul ne pourrait le dire. Mais comment n’être pas frappé de l’analogie qui existe entre les deux époques ? L’énumération que Gambetta faisait à la tribune, est à peu de chose près, celle que font en ce moment les journaux inspirés par M. Waldeck-Rousseau. Comme alors, il est question d’une loi sur les associations, pour en exclure les congrégations ; d’une loi sur l’enseignement, pour en restreindre la liberté ; d’une loi sur les rapports de l’Église et de l’État, pour les rendre plus tendus ; enfin de lois sociales qui devaient avoir pour objet de mieux régler les rapports entre le capital et le travail. C’est la loi sur les syndicats professionnels, destinée à compléter celle de 1884, et que M. Waldeck-Rousseau a promise aux