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Allons-nous donc retourner à plus d’un demi-siècle en arrière ? Allons-nous voir se reproduire les polémiques passionnées qui ont rempli la fin du gouvernement de Juillet ? Une des libertés qui semblait le plus définitivement acquise, et qui était entrée le plus avant dans nos mœurs, va-t-elle être contestée, supprimée ou amoindrie ? En tout cas, ce n’est pas jusqu’ici l’Université qui le demande : au contraire, les voix les plus autorisées dans le corps enseignant se sont élevées en faveur du maintien de la liberté. Cela prouve que l’initiative prise par le gouvernement, ou qu’il se propose de prendre, n’est pas inspirée par le souci des bonnes études, mais par un prétendu intérêt politique, du plus mauvais aloi. Les bonnes études ne peuvent que gagner à la concurrence, et, si l’on a constaté en elles, depuis quelques années, un affaiblissement fâcheux, ce n’est à coup sûr pas à la liberté qu’elles le doivent. Mais les radicaux exigent, et le ministère obéit. On sait qu’une grande commission parlementaire, présidée par M. Ribot, a été chargée d’étudier tous les projets de réforme relatifs à l’enseignement. Elle a reconnu qu’une crise existait dans l’enseignement secondaire, et elle a ouvert, pour en rechercher les causes et les remèdes, une vaste enquête dont il ne reste plus qu’à tirer et à fixer les leçons. C’est à cela qu’elle s’applique, et il serait désirable qu’elle terminât son œuvre comme elle l’a commencée, c’est-à-dire en dehors des passions que la politique mêle trop souvent à ces graves problèmes. Ou a pu croire un moment qu’il en serait ainsi, et qu’on aboutirait à une réforme que l’esprit de parti n’aurait ni troublée ni viciée : est-ce encore une espérance qui se dissipe ? Il est aujourd’hui très probable que, dans le débat prochain, les préoccupations purement scolaires passeront au second plan. On se disputera sur la liberté même de l’enseignement, et la Chambre, inspirée par le ministère, croira avoir fait beaucoup en décidant, par exemple, que pour obtenir un diplôme de l’État, il faudra avoir terminé ses études dans les établissemens qu’il dirige. Qu’aura-t-on fait cependant ? On aura supprimé ou mutilé une liberté, ce qui n’est pas le moyen de préparer, comme on s’en vante, des générations plus libérales. On ne remarque pas, parmi celles que l’État élève et qui commencent à entrer dans la vie active, un esprit particulièrement libre et généreux ; il semble qu’elles soient plutôt frappées d’un scepticisme précoce, d’un égoïsme inquiet, et d’un absolu dédain pour tout ce qu’on appelait autrefois principes ou doctrines. Et nous ne disons pas que ce soit la faute de l’enseignement donné par l’Université ; le mal a des causes plus générales ; mais cet enseignement n’en préserve pas plus qu’un autre. Au surplus, l’heure