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contre-coup en France, font qu’en général l’écart des recettes nous est favorable et qu’elles dépassent les prévisions. Nous devrions donc avoir régulièrement des excédens budgétaires, dont l’emploi tout indiqué serait un amortissement extraordinaire de notre dette, tel qu’il se pratique couramment en Angleterre[1]. Malheureusement les dépenses suivent une marche plus rapide encore, et le fléau des crédits supplémentaires, c’est-à-dire des dépenses votées en cours de session en dehors du budget, dévore l’excédent des recettes et souvent davantage : c’est ainsi qu’en 1897, nous avons dépensé 201 millions de plus que les prévisions budgétaires : si on en déduit 39 millions de crédits non employés, c’est encore 162 millions qu’il a fallu couvrir par la plus-value des impôts. En 1898, celle-ci a atteint 143 millions et dépassé, pour la première fois depuis longtemps, l’excès de dépenses : un bénéfice final de 69 millions a permis d’appliquer cette somme au remboursement d’une partie des dettes du Trésor.

Le moment est venu de définir celui-ci et d’en expliquer le fonctionnement. Puisque les recettes et les dépenses ne concordent pas avec les prévisions, la caisse de l’Etat ne va donc pas pouvoir établir un équilibre parfait entre ce qui y entrera et ce qui en sortira au cours de l’année : d’ailleurs, alors même qu’au bout des douze mois la concordance se serait établie, il y aurait, dans l’intervalle, des différences entre les entrées et les sorties, puisque celles-ci ne sont pas réparties uniformément sur les 365 jours, ni même sur les 52 semaines de l’année, et que par conséquent il y aura des momens où les caisses pourraient ne pas avoir de provision suffisante pour faire face aux dépenses exigibles. Cette double raison a amené la création d’une sorte d’être de raison, d’entité fictive, qu’on appelle plus spécialement le Trésor et qui, dans une certaine mesure, peut être considéré comme la banque de l’État. M. Pelletan compare spirituellement ce dernier à un industriel qui créerait à côté de lui une banque dont il serait le principal client, mais dont il abuserait parfois. L’État n’est guère auprès du Trésor qu’un client emprunteur ; les prêteurs sont de deux catégories, ceux qui, de par la loi, sont obligés de lui apporter certaines sommes, par exemple les fonctionnaires qui lui remettent leurs cautionnemens, les départements, municipalités, établissemens publics, caisses d’épargne, Caisse de dépôts et

  1. Voyez notre article sur la Dette anglaise, dans la livraison du 15 septembre 1898.