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Westminster, du Palais-Bourbon ou de Monte-Citorio, devant des assemblées délibérantes. Chaque nation veut non seulement qu’un compte lui soit rendu de l’exercice écoulé, mais surtout qu’un tableau soit dressé des prévisions de recettes et de dépenses pour l’année à venir ; qu’un plan lui soit présenté des réformes à introduire dans l’organisation des impôts, qu’en un mot un programme financier apparaisse. Rien n’est plus intéressant que de comparer à cet égard le langage tenu par les ministres et de chercher à caractériser, à la lumière de ces déclarations de principes et exposés annuels, la marche imprimée dans les divers pays au système financier. Comparons par exemple la Russie et l’Angleterre : quelle que soit la différence du régime politique de ces deux empires, on y retrouve une continuité de vues économiques qui a certainement contribué à la prospérité de l’un et de l’autre. Certes, les chanceliers de l’Echiquier qui se succèdent, à des intervalles souvent fort éloignés, sur le sac de laine, n’ont pas tous des opinions identiques en matière d’impôt ; souvent, en raison de leurs idées personnelles et aussi de celles du parti politique qu’ils représentent, ils doivent combattre certaines théories de leur prédécesseur ; mais il est des principes auxquels tous les cabinets, whigs ou tories, restent attachés, et qui forment la chaîne ininterrompue de la tradition financière anglaise, dont sir Robert Peel, Gladstone, sir Stafford Northcote, M. Goschen, sir Michaël Hicks Beach se sont inspirés : réduire la dette, abaisser le prix des objets de première nécessité, affranchir des entraves fiscales le travail fécond, de façon que l’énorme développement de la richesse des particuliers fournisse au trésor public des revenus de plus en plus considérables, qui représentent cependant une fraction de plus en plus faible du revenu de chacun, telles ont été les grandes lignes qui ont gouverné la conduite de tous ces hommes d’État. Il en est résulté une homogénéité de conception, une unité de mouvement, dont il est aisé de se rendre compte en suivant l’évolution des budgets anglais depuis un demi-siècle.

En Russie, la préoccupation d’atteindre, au moyen de la politique financière, un but d’utilité publique autre que celui de fournir au Trésor le plus de ressources possible, remonte à une époque plus récente. Toutefois, lorsqu’il y a un demi-siècle, l’empereur Alexandre II émancipa les serfs, cette œuvre humanitaire impliquait des conséquences financières qui furent envisagées