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haut et aussi clairement dans les consciences libres et saines que la morale privée, ne reconnaîtra jamais à un peuple la tutelle d’un autre peuple que pour un temps limité. « Tant que nous serons là, pensait évidemment lord Ripon, nous devons y trouver notre compte, mais l’Angleterre doit apprendre à ses sujets indiens à se passer d’elle. » Dans cet esprit, il a créé un embryon de self-government, dont voici les principaux traits.

Au plus bas degré de l’échelle administrative, on a laissé à l’agglomération rurale, au village, son caractère enfin compris après un long malentendu. Avec son tribunal arbitral, sa « coutume » propre, son bien indivis, dont les produits se consomment en commun, son auberge, qui est un hospice, son poète, son blanchisseur et son barbier, qui sont des fonctionnaires, souvent héréditaires, comme son magistrat, son prêtre, son comptable et son garde champêtre, le village indien est une des plus curieuses formations sociales qui existent ; et, par sa durée, il a prouvé sa vitalité[1]. Cette vitalité diminuera plutôt qu’elle n’augmentera, à mesure que le raïa prendra conscience de cette communauté politique, plus vaste et plus importante, dont il est membre et dont il doit retirer de plus grands bénéfices.

À cette vieille institution se superpose l’organisation de lord Ripon, qui date de quinze ans à peine. Elle se compose des local boards, que j’appellerai des conseils cantonaux, et des district boards, qui sont des conseils d’arrondissement ou de province. Les deux tiers des local boards sont élus. Ils ont le droit de nommer leur président et désignent une proportion notable des membres qui siègent dans les assemblées du degré supérieur. L’élément natif se fortifie chaque jour dans ces conseils. Pendant la période décennale qui va de 1882 à 1894, le nombre des Européens qui y avaient été appelés par l’élection a diminué de moitié ou des deux tiers, dans certains cas des quatre cinquièmes. Huit cents villes, dont le territoire embrasse de 15 à 16 millions d’habitans, ont reçu des institutions municipales. Enfin, le principe de la représentation élective a pénétré jusque dans le conseil législatif qui entoure le gouverneur général et les gouverneurs particuliers de Bombay et de Madras. Un certain nombre des membres de ces conseils sont, sinon élus, du moins proposés au choix du gouvernement par un corps électoral composé des municipalités, des

  1. T. B. Pandian, Indian village folk. London. 1898.