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nourrir de mauvaises intentions à l’égard de l’Angleterre, car voilà déjà de longues années qu’on parle d’une entente cordiale entre les deux nations, et que les deux gouvernemens ont mis d’accord leurs politiques. Bien que l’Italie n’ait pas, jusqu’à ce jour du moins, gagné grand’chose à cette attitude, rien n’autorise à croire qu’elle en soit revenue. Cependant, il y a peu de pays en Europe où la presse se soit exprimée avec plus de dureté contre l’entreprise britannique. Et l’Autriche ? Au cours d’une séance récente de la Chambre des communes, un député s’écriait que toutes les nations continentales, même l’Italie, haïssaient l’Angleterre ; mais il faisait une exception pour l’Autriche, et on ne voit pas, en effet, quel pourrait être le motif d’un dissentiment ou d’un conflit d’intérêts quelconque entre l’Angleterre, puissante nation maritime et coloniale, et l’Autriche, dont la marine, d’ailleurs excellente, ne compte pourtant pas au nombre des plus considérables, et qui n’a pas de colonies. Si un jugement tout à fait impartial, parce qu’il est tout à fait désintéressé, peut se former quelque part, il semble bien que ce soit dans le vieil empire des Habsbourgs, le plus exclusivement continental des États continentaux. Néanmoins, là aussi, là surtout, la voix de la conscience humaine s’est fait entendre, avec d’autant plus d’éclat que, si rien n’en provoquait l’acrimonie, rien non plus n’en gênait la liberté. Faut-il parler des autres puissances ? L’Allemagne s’est distinguée, elle aussi, dans ce concert d’imprécations. Et certes, nous ne rangeons pas l’Allemagne parmi les nations qui, au fond de l’âme, éprouvent pour l’Angleterre la moindre sympathie ; trop d’intérêts les divisent déjà, et trop d’intérêts sont appelés à les diviser un jour davantage ; mais enfin l’opinion allemande, quelles que soient ses dispositions secrètes, a conservé jusqu’ici toutes les convenances extérieures à l’égard du redoutable rival qui encombre tous les chemins commerciaux de l’univers, et c’est peut-être la première fois qu’elle s’en affranchit. Il s’agit ici de l’opinion, et non pas du gouvernement. L’Espagne n’est pas plus favorable. Peut-être l’attribuera-t-on au souvenir encore récent et cuisant de ses malheurs, pour lesquels l’Angleterre a témoigné une si parfaite indifférence. Il est vrai que lord Salisbury, dans le discours qu’il a prononcé au banquet du lord-maire, discours sur lequel nous aurons à revenir, s’est efforcé de faire oublier cette froideur : il y a parlé de l’Espagne avec une bienveillance dont celle-ci lui aurait su meilleur gré si elle n’avait pas été bien tardive. Nous croyons d’ailleurs qu’on se tromperait en attribuant à cette cause le sentiment de ce peuple généreux. La Russie, à