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mit en devoir de le recommander à ses alliés dans ses correspondances, avec une insistance qui avait le caractère d’une véritable exigence. Ainsi, venant de sa personne à la réunion des souverains alliés qui eut lieu à Chaumont, et où furent arrêtées les mesures destinées à donner le dernier coup de force pour achever la prise de la France, il obtint de faire insérer dans les conventions qui furent rédigées un article secret portant que l’indépendance de la Hollande serait reconnue sous la souveraineté du prince d’Orange, avec un accroissement de territoire et une frontière convenable. Il n’osa pas aller plus loin que cette locution énigmatique qui laissait pourtant entrevoir sa pensée. Parler plus clairement d’une fusion à opérer d’office et par voie impérative entre des populations longtemps ennemies et que deux siècles de séparation avaient rendues étrangères l’une à l’autre, c’eût été aller au-devant de difficultés qui se présentaient d’elles-mêmes et susciter peut-être une discussion prématurée.

La victoire une fois obtenue, le ministre anglais put faire un pas de plus : le traité signé à Paris le 30 avril 1814, et auquel la France dut prendre part, reproduit textuellement, dans un dernier article, les termes de l’engagement pris à Chaumont : mais une note secrète en donne le commentaire. Il fut établi que l’accroissement de territoire promis à la Hollande comprendrait les pays situés entre la Meuse, les anciennes frontières de la France (que le même traité de Paris rétablissait) et la mer. C’était bien définir la Belgique, mais pas encore la nommer.

Enfin ce fut à Londres que l’apparence même de l’équivoque disparut. Tous les souverains s’y trouvant en visite, au mois de juin 1814, le prince régent d’Angleterre leur présenta son protégé, en les pressant de l’admettre dans leur confraternité royale. La réunion de la Hollande à la Belgique fut alors officiellement décidée, sous la seule condition que le titre et l’exercice de la souveraineté ne pourraient appartenir à un prince appelé à porter une couronne étrangère.

Avant de prendre la résolution de remonter de deux siècles en arrière pour rejoindre d’autorité ce que le cours du temps et la force des choses avaient disjoint, il semble que l’esprit des hautes parties contractantes fut encore traversé, sinon par quelque scrupule (elles n’étaient guère sujettes à ces embarras de conscience), au moins par quelque doute sur la difficulté pratique que rencontrerait l’opération. Il était difficile, en effet, de ne pas songer aux