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susceptibilités qui seraient froissées et aux intérêts qui seraient inquiétés chez celle des deux parties qui se croirait sacrifiée à l’autre. On s’aperçoit de cette préoccupation aux termes mêmes du protocole qui fut rédigé. Après avoir établi, d’une façon hautaine et magistrale, que l’union des deux États est décidée en exécution d’un principe politique adopté pour l’établissement de l’équilibre en Europe, et qu’elles y procèdent en vertu de leur droit de conquête sur la Belgique, les hautes puissances se hâtent d’ajouter qu’animées d’un esprit de libéralité, et voulant assurer le repos de l’Europe pour le bien-être réciproque des parties qui la composent, elles désirent consulter également les intérêts particuliers de la Hollande et de la Belgique pour opérer l’amalgame le plus parfait entre les deux pays. Suit alors une série de dispositions destinées à établir une parité de charges et de droits entre les sujets du nouveau royaume, consacrée par leur participation dans des conditions tout à fait égales à une représentation commune devant siéger alternativement à Bruxelles et à la Haye. Le prince d’Orange, qui dut prendre le titre avec l’exercice de la souveraineté, fut invité à procéder avec la même libéralité pour opérer l’amalgame.

Les vœux de l’Angleterre étaient comblés, puisqu’elle ne voyait plus en face d’elle que des côtes et des ports soumis à une domination amie. Mais ce n’était pas l’Angleterre seulement qu’il fallait satisfaire, et elle-même devait tenir à ce que le royaume fondé par ses soins parût (comme elle l’avait promis) un des plus solides fondemens du nouvel équilibre de l’Europe. Or, ce n’était pas cinq ou six millions de sujets dont on lui faisait don qui lui permettraient de rester seul en tête à tête avec le redoutable voisin que sa position l’obligerait à surveiller et à contenir. On le plaçait à un poste avancé où il serait le point de mire d’une hostilité constante de la part de la France ulcérée, qui verrait on lui le témoin vivant d’une défaite dont elle subissait en frémissant l’humiliation. Évidemment, sa situation ne serait tenable qu’à la condition qu’il fût compris dans un plan de défense générale, préparé contre tout retour offensif de la France, dont il serait bien Fun des élémens essentiels, mais non pas l’unique, et qui serait composé de plusieurs facteurs engagés à se prêter un appui réciproque.

C’est sous cet aspect que le nouvel État fut présenté au Congrès de Vienne, qui l’enregistra, sans débat, dans l’Acte final rendu