Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/503

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

absolument comme on voulait. C’était assurément le fait des Hollandais, dont l’existence nationale avait été autrefois vaillamment conquise et conservée. Il est vrai que l’arrangement qu’on leur imposait était flatteur pour leur amour-propre ; puisqu’ils gardaient un souverain de leur race, le mariage même mal assorti pouvait leur convenir. Mais le cas était différent pour les Belges, auxquels un sacrifice était demandé, — toujours blessant, quelque peine qu’on prît pour en sauver l’apparence, — et qui avaient vu leur patrie traitée de province conquise et cédée, par une expression peu aimable, en accroissement de territoire à leur voisin. Eux aussi, pourtant, avaient fait preuve d’un tempérament indocile, que leurs souverains, contraints et forcés, avaient dû souvent ménager, et ce qu’il y avait même chez eux de particulier, c’est que cet instinct d’indépendance n’existait pas seulement, comme dans d’autres pays d’Europe, dans une noblesse attachée à des franchises seigneuriales et à des privilèges, héritage de la féodalité qui devait disparaître avec elle. Le même esprit d’indépendance s’était manifesté de bonne heure chez une bourgeoisie riche et éclairée, dont le développement précoce était dû à la grande prospérité industrielle des cités flamandes. Ce n’était qu’en Belgique qu’on avait pu voir au XIIIe siècle, en plein moyen âge, deux brasseurs de Gand comme les Arteveld, portés au pouvoir par une sédition populaire, s’y maintenir plusieurs années et l’un d’eux finir par se mesurer en rase campagne avec le roi de France. Plus tard, on sait quelle opposition avaient rencontrée Philippe II et son sinistre agent, le duc d’Albe, quand ils avaient tenté de faire supporter à des catholiques, dont la foi pourtant n’était pas douteuse, le joug de l’inquisition espagnole. Trouvait-on les temps bien changés, et ces souvenirs bien éloignés pour en tenir compte ? On aurait dû au moins se rappeler que le même sort avait été réservé à de prétendues réformes tentées par Joseph II, dans un esprit tout opposé, au nom de la philosophie du jour, et aux applaudissemens des beaux esprits de Paris. Une terrible insurrection, un instant victorieuse et terminée seulement à la veille de la conquête française, avait trouvé son principal appui dans le mécontentement causé à des consciences alarmées par les empiétemens du pouvoir civil sur la liberté religieuse et l’autorité pontificale.

C’était là un fait qu’il eût été bien d’avoir présent à l’esprit, avant d’adopter sans réflexion la décision qui donnait, à des