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cette différence, qu’en France, le décret qui avait institué l’Université, stipulait très expressément que toutes les leçons y seraient données en conformité avec l’enseignement catholique : disposition qui, si elle était déjà peut-être très imparfaitement exécutée, n’était du moins pas encore trop ouvertement méconnue. Mais entre les mains d’un roi protestant, le souverain pouvoir donné à l’État sur l’enseignement n’offrait en réalité aucune garantie, et on ne daignait même prendre aucune précaution contre l’abus, car aucune part n’était faite à l’autorité religieuse dans l’inspection des écoles. Ici le Jugement doctrinal était sans réplique, le doigt était véritablement mis sur le point sensible de la plaie qui allait devenir le siège d’une irritation constante.

Le refus de serment imposé à la conscience des fidèles par le Jugement doctrinal, qui aurait placé les catholiques belges dans un état d’insurrection morale contre leur souverain, n’eut pourtant pas toutes les conséquences qu’on aurait pu présumer : soit que l’obéissance des fidèles n’ait pas été aussi complète que leurs pasteurs l’espéraient ; soit (ce qui est plus probable) que l’autorité pontificale dont le doux Pie VII et son intelligent premier ministre, le cardinal Consalvi, firent toujours un si discret usage, tout en approuvant la doctrine du Jugement, ait admis qu’en fait l’application en fût tempérée. Mais le coup n’était pas moins porté : la majesté royale avait été publiquement offensée, et ne devait pas plus pardonner à M. de Broglie la hardiesse de sa résistance, que le prélat ne se serait pardonné à lui-même la faiblesse de faire un pas en arrière. Dès lors, dans les années qui suivirent, ce fut une série de querelles engagées et de griefs réciproques dont quelques-uns ne paraissent pas, je dois le dire, avoir eu la gravité que, de part et d’autre, on y attachait.

Entre autres, au moment où on attendait le prochain accouchement de la princesse d’Orange, belle-fille du roi, et la naissance d’un héritier du trône, des prières publiques furent ordonnées dans les églises des deux cultes. Avant de se conformer à cette injonction, M. de Broglie, qui y voyait une reconnaissance trop complète d’une autorité à ses yeux toujours contestable, crut devoir demander à Rome une autorisation, qui lui fut octroyée sans difficulté dans une lettre que le prélat n’hésita pas à rendre publique. On lui fit un crime et de la demande et de la publicité de la réponse. C’était être entré en relation directe avec le Pape et donner cours à un acte pontifical sans l’avoir soumis au placet