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royal, double infraction aux règles en vigueur, non seulement dans la France gallicane, mais dans la catholique Autriche et dans l’ultramontaine Espagne. Coupable d’une série d’actes de cette nature et de torts plus légers encore, M. de Broglie fut traduit en justice : le ministère public prononça devant la Cour d’appel un long réquisitoire à la suite duquel un décret de prise de corps dut être décerné contre le nommé Maurice de Broglie, prévenu de nombre de crimes ; la peine requise était la déportation. Ne se souciant pas de l’attendre, et d’ailleurs ne reconnaissant pas la compétence des juges, M. de Broglie quitta en secret la Belgique et vint chercher un refuge en France. D’Amiens, la première station où il s’arrêta, il adressa une requête respectueuse aux Puissances réunies en Congrès à Aix-la-Chapelle, les priant d’user, pour la défense des opprimés, de la tutelle qui leur appartenait sur le royaume qu’elles avaient fondé. Naturellement aucune réponse ne lui fut faite cette fois encore, pas plus que dans l’occasion précédente ; les plénipotentiaires avaient une autre préoccupation : ils écoutaient le rapport du duc de Wellington, rendant compte de l’état des travaux entrepris pour la construction des forteresses qui devaient garantir la sécurité de la Belgique. Ce n’était pas le moment de se mêler des difficultés que le souverain de leur choix se créait à lui-même.

M. de Broglie fut donc condamné par défaut et la sentence, rédigée dans des termes presque injurieux, fut affichée à Gand même, sur un poteau soutenant l’échafaud dressé pour deux voleurs. Quant au condamné, il se plut, pour attester ce qu’il appelait son luxe de persécution, à venir reprendre dans la petite ville de Beaune le logement qu’il avait occupé pendant l’oppression impériale. D’ailleurs, sa santé était ébranlée par tant de traverses : il mourut en 1821, n’ayant pas achevé sa cinquante-sixième année. Ses restes, conservés en France, ne furent rapportés à Gand que plus de cinquante ans plus tard. Ce fut une cérémonie touchante, à laquelle assista l’aîné de ses neveux, celui qui écrit ces lignes. Dans le banquet qui termina cette pieuse fête, les principaux convives étaient ceux qui avaient pris part à l’une ou l’autre de ces confessions de la foi. Je me rappelle entre autres deux vénérables jésuites qui, envoyés au régiment en 1811, racontaient qu’en raison de leur jeune âge et de leur petite taille, on leur avait confié l’office de tambour.

Du reste, il semble qu’on eût pris à tache que la seconde pièce,