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ont essayé de l’atteindre ; et le symbolisme est né de là. Si ce serait assurément exagérer de dire qu’il y ait un sens ésotérique ou caché dans le Parsifal ou dans la Légende des Siècles, on ne peut refuser d’y reconnaître quelque chose d’ultérieur à la première impression qu’on en reçoit. C’est ce qui est évident dans les Destinées d’Alfred de Vigny. Une pensée philosophique, une intention sociale s’y enveloppe d’une forme plastique. Les conditions de la poésie ont changé. L’œuvre de quelques attardés, — comme ce Verlaine dont on a fait trop de bruit, — ne représente plus que les convulsions du romantisme expirant. Ce n’est plus assez de sentir, on exige maintenant du poète qu’il « sache, » et qu’il « observe, » et qu’il « pense. » On exige aussi qu’il rentre, par quelque moyen que ce soit, mais qu’il rentre dans la vie commune ; et, quelque division qu’il y ait d’ailleurs entre les écoles nationales ou locales, — Parnassiens contre Romantiques, Symbolistes contre Parnassiens, — l’unité s’est désormais faite sur la conception du lyrisme et sur celle même de la poésie. Le lyrisme, c’est la réfraction de l’univers au travers d’une âme de poète ; et la poésie, c’est l’art ou le don d’exprimer avec une clarté personnelle ce qu’il y a de mystère dans l’univers, dans l’homme, et dans l’histoire.

L’évolution de l’histoire et de la critique n’a pas beaucoup différé de celle de la poésie lyrique, mutatis mutandis, et cela peut bien d’abord étonner, mais il suffit d’y réfléchir, et rien ne s’explique plus aisément que ce parallélisme. N’était-ce pas en effet les mêmes causes qui, sous le règne du classicisme, avaient gêné la liberté de l’historien et celle du poète, et conséquemment obscurci, dénaturé, et altéré la notion de l’un et l’autre genre ? Les grandes actions de l’histoire étant seules considérées comme dignes de la scène tragique, une réciprocité s’était établie, qui consistait à ne retenir comme dignes de fixer l’attention de l’histoire que les actions capables de fournir elles-mêmes le sujet d’une tragédie. Si l’obligation qu’on imposait au poète était d’autre part, et avant tout, de ne pas intervenir de sa personne dans son œuvre, celle qu’on imposait à l’historien était de ne voir et surtout de ne montrer dans ses récits que l’homme « universel. » Ni l’un ni l’autre, ils n’avaient le droit de s’attarder aux détails ou aux particularités, — qu’on appelait familièrement, c’est un mot de Voltaire, « une vermine qui ronge les grands ouvrages, » — mais leur devoir à tous deux, historien ou poète, était de