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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre.


Depuis la rentrée des Chambres et l’ouverture des débats de la Haute Cour, la vie politique a repris son activité. La tribune est redevenue bruyante ; les partis se remuent ; les hommes s’agitent : le reste du pays demeure, d’ailleurs, calme et indifférent. Une interpellation sur sa politique générale a été adressée au ministère. Elle s’est terminée pour lui par une victoire en apparence considérable, mais qui, en fait, ne prouve rien. Le ministère a déposé un certain nombre de projets de loi et il en annonce d’autres, projets très importans, dont l’inspiration anti-libérale et jacobine semble de nature à provoquer l’indignation des uns et l’enthousiasme des autres ; et ce sont en effet les sentimens qu’ils exciteraient le jour où ils seraient votés ; mais on semble croire que, s’ils doivent l’être, c’est dans un temps qui échappe au calcul des probabilités, et on les accueille avec quelque scepticisme. Dans tout ce qui se passe, on ne voit que des manifestations, auxquelles ceux mêmes qui les font ne tiennent pas beaucoup. A notre avis, on aurait tort pourtant de s’endormir dans une sécurité trompeuse. Le danger augmente tous les jours. Un ministère de plus en plus soumis aux influences socialistes et radicales, inconscient peut-être de l’œuvre qu’il accomplit, livre tout ce qu’il était de son devoir de défendre. On en a eu comme une intuition subite le 19 novembre, un dimanche, un jour de fête où tout Paris avait été invité à l’inauguration d’un monument qui représente le Triomphe de la République. Pour la première fois, des drapeaux rouges et noirs se sont librement emparés d’un des points les plus populeux de la capitale, et les pouvoirs publics ont dû se replier en bon ordre devant le désordre maître du terrain. On a commencé à voir où nous allions, où on nous menait, où nous nous laissions conduire. Cela fait beaucoup de choses pour quinze jours.