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se tînt prêt à profiter des premières vingt-quatre heures de beau temps pour prendre la route de France. Dubois, de son côté, avait écrit que c’était folie de prolonger le séjour en Angleterre.

« Ma pauvre petite ne peut plus dîner à table. Nous avions quatre ou cinq personnes aujourd’hui, pour son père et sa mère. Elle a dû nous laisser dîner sans elle. Pleine de courage cependant, elle serait plutôt disposée à rester qu’à partir dans la crainte que mon arrivée à Paris ne soit un prétexte d’attaques contre moi. Je la rassure en lui disant que nous n’avons pas affaire à des tigres, je l’espère du moins, et que dans tous les cas, mon père est là. »

Ce qu’il disait, il le croyait. Mais la lettre du 14 février et celles qui suivirent ne pouvaient qu’ébranler sa vieille confiance dans la bonté du roi. En fait, sans lui interdire ouvertement d’accompagner sa femme à Paris, on lui déclarait que, s’il y restait plus de huit ou dix jours, il ne serait plus reçu aux Tuileries. Ce qu’il ignorait alors et ce qu’il ne tarda pas à savoir par la déclaration directe que lui fit Richelieu, c’est que ce dernier était résolu à quitter le ministère si son ancien collègue passait outre à cette injonction si formelle. Il l’avait dit au roi dont on s’explique dès lors l’attitude de plus en plus accentuée. Le 18 février, après avoir consacré tout un long début de lettre à gémir sur la mort du duc de Berry, dont on venait de célébrer le premier anniversaire, le roi confessait « qu’il ne manquait pas, hélas ! d’autres causes de douleur. » Les nouvelles de la duchesse déchiraient son âme. « Je désire plus que je n’espère que Dubois ait passé la mer. S’il l’a passée, il verra par ses propres yeux. Mais, s’il est resté à Calais, quelques talens que je lui reconnaisse, quelque bien informé qu’il puisse être par les rapports qu’il a reçus, j’aurai toujours plus de confiance en ceux qui jugent de visu. Mais, que dis-je là ? Me reconnaissez-vous encore le droit d’avoir un avis ? Mon cher duc, ma dernière lettre a dû vous causer une peine profonde. La mienne n’est pas moindre. Mais, j’ai obéi à ma conscience et Celui qui voit tout sait si j’ai eu d’autre motif que l’impérieuse et trop bien reconnue nécessité. »

Puis, le 21, comme si ce n’était pas assez d’avoir si clairement affermi sa volonté il la manifestait de nouveau. « Peut-être, cette lettre ne vous trouvera-t-elle plus à Londres, Aussi, je ne la ferai pas bien longue. Vous devez en avoir reçu dimanche une du quatorze, qui vous aura fait voir que vous vous faites illusion en croyant n’avoir pas affaire à des tigres. Les lumières que j’en ai