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« Enfin, arriva le moment où tous les médecins réunis affirmaient, à l’exception d’Auvity, que je n’avais pas deux jours à vivre. Auvity persistait à penser, quoiqu’il ne vît pas de remède, qu’à dix-huit ans on peut toujours espérer. Mais, cette espérance était bien vague. On ne crut pas devoir y compter. C’est du moins ce que j’ai pensé, en me rappelant l’espèce de dureté avec laquelle on me l’annonça.

« Un jour, je vis entrer mon confesseur. Il fit signe à ma belle-mère, qui était près de moi, de se retirer. Il me dit que j’étais bien mal, qu’il fallait me préparer à mourir, à recevoir les sacremens. Je ne me rendis pas compte de la nature des sacremens qu’il voulait me donner. Je lui dis que, n’ayant pas ma tête, je ne pouvais me confesser et lui demandai d’attendre. Il chercha à me faire comprendre que cela ne se pouvait pas. Mais, comme j’insistais, il craignit de m’effrayer et me dit qu’il reviendrait dans deux jours.

« — Non, plus tard, répliquai-je.

« Cette visite me laissa très inquiète. On m’a raconté que pendant toute ma maladie j’avais fait des choses qui prouvaient que je m’attendais à une fin prochaine. J’avais donné mes diamans à vendre pour en remettre le prix à mon mari directement et qu’il n’entrât pas dans la succession, distribué des souvenirs, des cachets avec des devises ; j’avais demandé à voir mon fils et je l’avais recommandé aux soins de ma vieille bonne pour lorsque je ne serais plus… Et cependant, je ne crois pas que j’eusse eu l’idée de la mort, jusqu’au moment où je vis mon confesseur. Alors, mes idées se perdirent tout à fait. J’eus peur de mourir et de mourir en l’état de péché mortel. »

En dépit de tant de symptômes alarmans, et bien qu’elle eût été administrée, la petite duchesse ne devait pas mourir. Mais, jusqu’après ses couches, qui n’eurent lieu que le 22 juin, le mal auquel elle semblait devoir succomber entretint les alarmes de ceux qui veillaient autour d’elle. Elle ne fut en état de quitter Paris qu’à la fin de juillet. Pendant tout ce temps, le roi eut le triste courage de ne pas ouvrir sa porte à Decazes. Le 20 avril, alors que, depuis un mois, celui-ci ne quittait pas le chevet de sa femme, un peu de mieux s’était manifesté. Il en profita pour écrire au roi et le supplier de le recevoir. Le lendemain, le roi lui répondait :

« J’ai lu, mon cher fils, avec un plaisir sensible, le