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tendaient à entraver la production. M. Bernstein, avec les économistes orthodoxes, place les intérêts des consommateurs en première ligne. Si les syndicats ouvriers et patronaux se divisent ou s’unissent pour régler la production, ils conspirent contre le public. Le but des syndicats démocratiques, c’est de faire participer les ouvriers au développement de la richesse sociale, de leur procurer une part plus large de cette richesse. S’ils dépassent ce but, ils deviennent nuisibles. — Voilà le langage que les socialistes sérieux et réfléchis tiennent aux ouvriers. Ils cherchent à les éclairer sur les nécessités de l’ordre économique actuel, et sur les avantages qu’ils peuvent en retirer par une bonne organisation et une conduite prudente et habile. Mais ils sont moins écoutés que ceux qui font luire à leurs yeux « un avenir mirifique, dû non aux efforts humains, mais à l’avènement d’un millenium, qui tue dans l’homme la bonne volonté agissante. »

Sans doute l’ordre actuel n’est pas immuable. Les sociétés possèdent une force de plasticité dont nous ne pouvons soupçonner les limites. Mais nous sommes assurés de deux choses : c’est d’abord que l’évolution, pacifique ou violente, ne se plie jamais aux systèmes des théoriciens ; et c’est ensuite que les institutions n’ont d’autre valeur que celle des hommes de chair et de sang qui les appliquent.


J. BOURDEAU.